Edgar Hilsenrath : Le Nazi et le Barbier

Le Nazi et le Barbier     par     Edgar Hilsenrath

Titre original : Der Nazi & der Friseur

Traduit de l’allemand par Jörg Sticken et Sacha Zilberfarb,

Attila (2010), Le Tripode (2018), 510 pages.

 

 

Ce livre sort vraiment de l’ordinaire car traiter d’un sujet aussi grave et sérieux avec autant d’humour noir et de dérision est la chose la plus malaisée qui soit. Parce qu’il a été lui-même victime de la barbarie nazie, Edgar Hilsenrath (photo ci-dessous) sait de quoi il parle mais il le fait à sa façon, très personnelle, unique.

 

 

Il conte ici l’histoire de Max Schulz, fils illégitime mais aryen pure souche de Minna Schulz. Il grandit avec son voisin, Itzig Finkelstein, qui a le même âge, à Wieshalle où il y a 99 Juifs pour 33 099 habitants. L’épisode de la circoncision, au début du livre premier, est désopilant, donnant bien le ton. Max apprend le yiddish chez les Finkelstein et va à la synagogue : « Avec Itzig, on était cul et chemise. » Itzig est blond aux yeux bleus, nez droit… alors que Max à les cheveux noirs, des yeux de grenouille, un nez crochu, des lèvres charnues et des dents pourries…

 

Pourtant, après la visite d’Hitler à Wieshalle, Max va devenir un SS, l’auteur démontrant bien la montée du nazisme dans le peuple. Tout y est : les pogroms, la Nuit de cristal, les synagogues brûlées, les magasins pillés, l’invasion de la Pologne et la Shoah par balles décrite d’une tout autre façon que dans Les Bienveillantes de Jonathan Littell avec le ton sarcastique inimitable d’Edgar Hilsenrath.

 

Ainsi, nous suivons le parcours très compliqué de Max qui tuait avec le sourire, un mégot au coin des lèvres : « J’étais de la SS, c’est-à-dire un de ceux qui faisaient le sale boulot pour les bricoleurs du Nouvel Ordre ». Toujours teinté d’humour noir, le récit nous emmène de la forêt polonaise au Berlin en ruines où Max prend sans vergogne l’identité d’Itzig Finkelstein !

 

Il réussit à gagner la Palestine sur un rafiot qui déjoue la surveillance britannique. Il se porte même volontaire pour soigner les enfants : « Moi, le meurtrier de masse, Max Schultz, je me suis rendu immédiatement à l’infirmerie… je me sentais comme un saint, un exterminateur rédimé, métamorphosé. »

 

Il n’oublie jamais tout ce qu’il a fait mais se retrouve, les armes à la main, à combattre aux côtés des sionistes, découvre les kibboutz, reprend son métier de coiffeur que lui avait appris le père d’Itzig dont il porte bien sûr toujours le nom, et se marie. Lucide jusqu’au bout, l’auteur lui fait dire : « Aucun châtiment n’apaisera mes victimes. » Puis, un peu plus loin : « Les génocidaires : la plupart courent toujours… La plupart sont retournés au pays »

 

Lire Le Nazi et le Barbier est une expérience marquante et il est heureux que cette œuvre ait été rééditée en France après avoir eu tant de peine à paraître en Allemagne.

Merci à Vincent pour ce livre.

Jean-Paul

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