Sorj Chalandon : Le Jour d'avant

Le Jour d’avant     par    Sorj Chalandon.

Bernard Grasset (2017) 325 pages ; Le Livre de Poche (2018) 360 pages.

 

Après Profession du père, Sorj Chalandon, pour son huitième roman, nous emmène dans le nord de la France, réussissant un vibrant et magnifique hommage aux mineurs en s’appuyant sur la catastrophe de Liévin-Lens qui fit 42 morts le 27 décembre 1974.

 

Seulement, il y a Le Jour d’avant et c’est Michel qui raconte. Avec son frère aîné, Joseph, ils rêvent de course automobile, inspirés par Steve McQueen, héros du film Le Mans. Hélas, « notre pays parlait de terre et de charbon, pas de circuit automobile. »

 

 

Avec tact et précision, l’auteur nous plonge dans le quotidien de la mine, avec son vocabulaire : le galibot (un gamin), la taillette (le jeton qui atteste que le mineur est bien remonté et a rendu sa lampe)... Mais ce sont surtout des pages pleines de tendresse, d’émotion, de colère, d’amour qui évoquent la catastrophe de Liévin, juste après Noël 1974.

 

 

Bien sûr, il y a cette virée, la veille, en mobylette… Michel avait 16 ans et son frère, mineur depuis l’âge de 20 ans, sur le porte-bagages et la mine omniprésente : « Elle se gavait d’hommes, la mine. Elle avait faim de nous. »

 

 

42 morts, 115 orphelins mais Joseph n’est pas sur la liste car encore hospitalisé lors de la cérémonie officielle où Lucien Dravelle, le contremaître, le chef porion, est avec les autorités, pas avec les ouvriers. Joseph meurt 26 jours après ses 42 camarades et Michel quitte le pays minier, devient chauffeur routier, épouse Cécile, se compose un véritable mémorial secret et prépare sa vengeance, son retour au pays. : « 40 ans à attendre que la peur change de camp. Et la détresse, la tristesse, la misère, le deuil. »

 

 

S’il ne faut rien révéler de ce qui va se passer, je ne peux que saluer la précision du récit plein d’humanité que fait Sorj Chalandon d’une arrestation, de la garde à vue et de la détention. Tout est juste, exact, éclairant avec à-propos ce monde carcéral qui rassure ceux qui se croient du bon côté de la barrière mais où des êtres humains souffrent plus que de raison et ressortent meurtris à jamais et, pour quelques-uns, pires qu’avant.

 

Le récit du procès, de l’attitude des avocats, du président, des jurés et surtout de l’avocat général mérite que l’on s’y arrête car c’est notre institution judiciaire qui est détaillée, passée au révélateur. Ce ne serait que du théâtre si des vies ne s’y jouaient.

 

L’avocat général est, paraît-il, dans son rôle : « Je suis ici pour requérir l’application de la loi. C’est ma tâche exaltante et supérieure », affirme-t-il. Mais alors, pourquoi travestir la vérité ? Pourquoi forcer les traits, exagérer outrageusement jusqu’au mensonge ? C’est pourtant ce qui se passe régulièrement dans nos tribunaux. Ici, l’avocat de la défense est formidable, démontant une accusation hors de propos mais ce n’est pas souvent ainsi.

 

En 1960, on comptait deux mineurs morts de silicose chaque jour, dans le Nord-Pas-de-Calais et un accident fatal tous les deux jours dans la région. Sorj Chalandon (photo ci-contre) , pour finir, brosse un tableau de la mine à travers les âges, sans oublier les femmes, les trieuses, les enfants, les chevaux, les colombes, tout un monde disparu chez nous mais qui ne doit pas être oublié.

Jean-Paul

 

Livres de Sorj Chalandon déjà présentés sur le blog :

- Mon traitre

- Retour à Killybegs

- Le quatrième mur

- Une promesse

- La légende de nos pères

- Profession du père

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