Thomas B. Reverdy : Le grand secours

Le grand secours    par  Thomas B. Reverdy.

Flammarion (2023) 317 pages.

Rentrée littéraire 2023.

 

 

 

Dans Le grand secours, Thomas B. Reverdy nous  plonge dans le quotidien d’un lycée de Bondy Nord en Seine- Saint-Denis. Une fiction qui retrace une journée dans la vie de ce lycée de banlieue parisienne situé à proximité d’ un carrefour géant invraisemblable, une autoroute et ses bretelles à trente mètres du sol pour rejoindre la N3, un no man’s land en dessous, le camp des Roms au bord du canal de l’Ourq et une barre d’immeuble de dix étages qui fait un S en suivant la courbe de l’autoroute.

 

 

Un plan en début d’ouvrage permet de visualiser précisément ce « bendo », quartier abandonné de la République, un cauchemar urbain laid et fascinant à la fois.

 

 

Au petit matin, en ce lundi de janvier, chacun se rend au lycée. Il y a Mo, un élève de seconde, qui habite un quartier pourri, un élève discret, plutôt fluet, et amoureux de Sara, Paul écrivain-poète qui vient du XIIIe par le métro et le tramway pour la première fois, ayant décroché une bourse pour animer un atelier d’écriture, et Candice prof de français qui vient de Pantin à vélo et  tente  de transmettre une culture aux élèves pour leur permettre de s’émanciper, toujours émue et toujours fière quand elle a l’impression que l’un d’entre eux vient de rencontrer la beauté.

 

 

Une agression dans laquelle un flic en civil met une raclée à un jeune arabe et dont Mo est le témoin va enflammer les réseaux sociaux. La tension va monter au fil des heures jusqu’à ce qu’une bande d’adolescents se mue en émeutiers et devienne totalement hors de contrôle.

 

 

Le grand secours est un roman choral dans lequel se croisent plusieurs voix pour pointer  les problèmes de la société, le rapport à la violence, au communautarisme.

 

 

En nous emmenant dans la tête de celles et ceux, qui vivent au quotidien dans ces quartiers abandonnés, en donnant  la parole aux profs, à la proviseure, à cet intervenant extérieur qu’est cet écrivain, au délégué syndical, aux élèves, mais aussi aux parents, l’auteur nous fait découvrir ainsi  des avis et des facettes différents selon leur métier et leur sensibilité, sans avoir la prétention de les résoudre.

 

 

Quant aux policiers, leur intervention ne servira qu’à faire naître la violence ou à l’attiser, le grand costaud aux épaules larges provoquant la confrontation initiale, pensant que tous ces minables doivent être mis au pas, et plus tard, lors de l’émeute et les autres  policiers, brandissant des armes, incapables de  gérer leur peur.

Il est intéressant et fascinant à la fois de voir comment peut naître une explosion de violence telle, qu’il paraît impossible de pouvoir la stopper.

 

 

Il est navrant de constater comment l’État a pu se désengager et se désintéresser complètement de ces quartiers déshérités et on comprend parfaitement que bien que hyper-motivés, les enseignants puissent avoir, pour le moins, des moments de découragement.

 

 

On ne peut être qu’admiratifs devant leur volonté de continuer à se battre chaque jour avec l’espoir de rendre notre monde meilleur.

J’ai particulièrement apprécié le personnage de Candice, la professeure de français, dont le prénom évoque à lui seul la clarté et la pureté. Impossible également de ne pas être émue par la réaction de la classe quand Mo lit son poème, et par sa déception de ne pas avoir été compris par Sara...

 

 

Si la narration de la vie dans ce lycée et dans ces quartiers abandonnés de la République apparaît aussi juste, réaliste et crédible, nul doute que cela tienne au fait que les lieux, la ville, le canal, le carrefour sous l’autoroute, le lycée, existent, que les élèves, les profs et le personnel du lycée existent aussi, que Thomas B. Reverdy (photo ci-dessous, Correspondances de Manosque 2023) soit lui-même, enseignant de français dans un collège de Seine-Saint-Denis.

 

 

Véritable ode à la littérature, à la poésie, au théâtre, roman puissant, Le grand secours, tout en dressant un constat assez sombre et assez amer laisse cependant émerger l’espoir d’un monde meilleur.

 

Une fois encore, comme je l’avais été précédemment, avec L’hiver du mécontentement (Prix Interallié 2018) et Climaxj’ai été conquise par l’écriture de Thomas B. Reverdy.

 

Ghislaine

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
M
Je n'ai lu que des bonnes critiques pour ce dernier titre et je l'ai bien entendu noté depuis un certain temps. Comme il est dans mes deux médiathèques j'espère bien le lire un jour...Merci pour ta chronique
Répondre
D
À mon avis, à lire absolument !
S
Les avis semblent unanimes sur ce roman que je note pour un emprunt prochain en médiathèque. Le sujet est on ne peut plus d'actualité et une vision "de l'intérieur" est toujours passionnante.
Répondre
D
À lire absolument pour une compréhension optimale de ce qui se passe actuellement dans ces quartiers "abandonnés" et de plus roman très agréable à lire !
Thème Magazine -  Hébergé par Overblog