Irina Golovkina : Les vaincus

Les vaincus      par     Irina Golovkina.

(Une saga sous la terreur stalinienne)

traduit du russe par Xénia Yagello, postface de Nikolaï Golovkine.

Éditions des Syrtes (2012) 1093 pages

 

 

Il est hors de question de résumer un tel pavé mais le récit d’Irina Golovkina, petite-fille du grand musicien Rimski-Korsakov mérite que l’on s’y plonge car il permet de découvrir ces années tragiques qui ont suivi le beau rêve de la Révolution russe. La terreur stalinienne est présente, là, avec toute son horreur et son caractère de machine infernale, dépassant tout ce que nous pouvons imaginer.

 

 

Le point de vue de l’auteure est primordial puisqu’elle raconte les événements vécus du côté de la noblesse russe, chez les aristocrates, comme cela est bien précisé à de nombreuses reprises.

 

 

Première à entrer en scène, Iolotchka est une infirmière extrêmement dévouée qui était tombée amoureuse d’un officier russe blanc blessé grièvement. Quelques années plus tard, à 28 ans, elle ressemble à une vieille fille, « jeune femme étrange et un peu austère », nostalgique de l’ancien régime : « notre Russie, étendue, blessée à mort, au cerveau et au cœur. » Elle fraternise avec Assia, jeune et belle pianiste mais il y a aussi sa cousine, Liola, le maillon faible par qui le malheur arrivera. Enfin, le personnage central de l’histoire, Oleg, est un ancien lieutenant de la Garde qui revient de déportation après 7 ans. Il a été sauvé de l’exécution en changeant de nom et en s’inventant une vie de prolétaire.

 

 

Tournent autour de ces trois personnages les familles, les amis et les gens qui, peu à peu, s’installent dans les appartements communautaires. Oleg qui parle trois langues, n’arrive pas à trouver un emploi et confie au jeune Mika : « Je vis sur les ruines de tout ce qui m’était cher. » Il se sent déclassé : « Déclassé. C’est être retranché de la vie, retranché de son milieu habituel, quand tout passe à côté de soi. » Cela ne l’empêche pas d’avoir un grand mépris pour les prolétaires : « une bande d’ivrognes ! »

 

 

Reviennent aussi les souvenirs terribles des combats qui ont opposé les Russes aux Allemands puis ceux de cette guerre civile qui a vu deux camps s’affronter sans la moindre pitié. Nous faisons connaissance avec le système de soins mis en place par le pouvoir soviétique, avec la Tchéka (police politique), avec l’organisation du travail et les assemblées où l’on vote pour tout et pour rien, avec le système de déportation des indésirables et aussi avec l’administration pénitentiaire qui applique la peine de mort à la chaîne…

 

 

Par bonheur, il y a de nombreuses pages consacrées à l’amour, aux sentiments, à la musique, à la langue française, pages qui n’évitent pas tragédies et séparations. L’auteure parle aussi beaucoup de la religion qui sert de refuge à certains.

 

Dans son journal, à la fin du livre, Iolotchka espère : « La Russie se sauvera elle-même, de l’intérieur. » Ce livre, écrit à partir de 1958, ne paraîtra qu’en 1992 dans la revue Notre contemporain et l’année suivante enfin, sera imprimé à cent mille exemplaires mais Irina Golovkina (photo ci-contre) n’est plus de ce monde qu’elle a quitté le 16 décembre 1989. La postface écrite par son petit-fils, Nikolaï Golovkine, est très instructive.

 

 

Un immense merci à Christine et Yves qui m’ont offert cette si émouvante fresque.

Jean-Paul

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