Andreï Makine : L'archipel d'une autre vie

L’archipel d’une autre vie        par    Andreï Makine.

 Seuil (2016) 281 pages ; Points (2020) 240 pages.

 

Quel plaisir de retrouver Andreï Makine !

 

Après Le Testament français et Une femme aimée, j’étais curieux de me replonger dans son écriture délicieuse, recherchée, sans sophistication. L’archipel d’une autre vie m’a comblé au-delà de mes espérances, comme Ghislaine me l’avait annoncé !

 

 

Le narrateur est à Tougour, dans l’Extrême-Orient sibérien. Il parle un peu de lui mais se laisse prendre à poursuivre un homme, dans la taïga. Ce narrateur a grandi dans un orphelinat réservé à ceux dont les parents ont disparu dans des camps afin qu’ils ne contaminent pas les élèves des écoles ordinaires… Enfant de taulard ? Non, de prisonniers !

 

 

La rencontre avec cet homme déclenche un récit captivant, l’histoire de Pavel Gartsev. Elle débute en 1952, quand l’URSS se prépare à un affrontement avec les USA, sur fond de guerre atomique.

 

 

Gartsev est vite la cible de supérieurs arrivistes qui n’hésitent pas à faire subir à leurs hommes des épreuves inhumaines. Il passe des heures dans un abri, à la limite de l’asphyxie mais livre d’intéressantes réflexions sur la vie, le monde, les hommes.

 

 

Soudain, l’histoire s’emballe à cause de l’évasion d’un criminel, en tout cas désigné comme tel. Une équipe est lancée à ses trousses avec Louskass, un responsable du contre-espionnage qui se sent le plus fort, plus fort que le commandant Boutov et bien secondé par Ratinsky, un homme prêt à tout pour grimper dans la hiérarchie.

 

 

Louskass fera un rapport : « Un rapport où, en un paragraphe, le destin de chacun pouvait être scellé : blâme, dégradation, prison. » Malgré ces menaces, la traque se poursuit, dans la taïga, et c’est palpitant. Voilà un roman dont le cinéma devrait s’emparer.

 

 

 

Commandant politique de l’opération, Louskass se montre capricieux, méfiant et surtout très douillet. L’alcool, les difficultés qui s’accumulent révèlent le vrai caractère de chacun. Vassine, cinquième homme de l’expédition, n’aime pas ces souvenirs de guerre enjolivés, racontés auprès du feu : « Je n’aime pas ces récits de soldats. On enjolive, on décrit des exploits et des victoires. La nouvelle génération écoute, puis se met à rêver de sa propre guerre… »

 

 

Sans nuire au suspense de la lecture, il faut dire que la traque, débutée au début août, affronte les premières gelées et l’arrivée inexorable du froid. Gartsev avouait : « Je voulais juste revenir dans ma vie d’autrefois, ma vie de pantin… Le sommeil prolongea ce que j’étais en train de vivre : le sentiment d’exister loin de ce corps qui s’accrochait à sa survie, loin de son passé, du monde des autres où je n’avais plus de rôle à jouer. »

 

 

Dans ce livre magnifique, Andreï Makine (photo ci-dessus) détaille tout le mécanisme odieux mis au point pour fabriquer des « ennemis du peuple » jusqu’à ce que se présente L’archipel d’une autre vie mais ça, seule la lecture de ce roman passionnant et palpitant peut expliquer ce titre !

Jean-Paul

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