Temur Babluani : Le soleil, la lune et les champs de blé

Le soleil, la lune et les champs de blé   par  Temur Babluani.

Traduit du géorgien par Maïa Varsimashvili-Raphael.

Le Cherche-Midi (2024) 683 pages.

 

 

 

Avec Le soleil, la lune et les champs de blé, titre digne d’un tableau…, Temur Babluani, acteur, producteur, scénariste, et réalisateur géorgien de talent, ayant obtenu entre autres L’ours d’argent à Berlin en 1993 pour Le Soleil des insomniaquessigne un magnifique premier roman.

 

 

 

Brillamment traduit par Maïa Varsimashvili-Raphael, nul doute qu’il va conquérir le lectorat français comme il a déjà connu un succès remarquable en Géorgie.

 

Publié également en Azerbaïdjan et en Russie où il va être adapté en série, ce roman se révèle une véritable épopée, une large fresque soviétique qui s’étale sur une cinquantaine d’années, des années 1968 à nos jours.

 

 

C’est le parcours de Joseph Androunikachvili, dit Djoudé, fils d’un cordonnier du quartier populaire de Tbilissi  (photo ci-dessous)  que nous raconte l’auteur par la voix de Djoudé lui-même.

 

 

À l’été 1968, le jeune Géorgien de dix-sept ans, à la demande de son ami Haïm, accepte de dissimuler des cassettes et  des pellicules de huit millimètres mystérieuses, loin de se douter que cet acte va changer le cours de son existence.

Il se retrouve, en effet, assez rapidement, accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Menacé à la fois par le KGB et par les caïds de son quartier, il se voit forcé de revendiquer ce crime.

 

 

Condamné à dix ans de prison, il demande son transfert dans un camp de travail forcé où chaque journée compte triple, prêt à prendre le risque d’affronter les dures conditions de vie, les camps de ce type se trouvant en Sibérie orientale et dans l’extrême-Nord, et l’atmosphère venimeuse qui y règnent. Une longue vie d’errance et de malheurs va alors commencer pour lui, la poisse lui collant aux basques. Pas moins de cinq morts lui seront attribués, meurtres dont il est innocent.

 

 

Mais jamais, Djoudé n’abandonnera l’espoir de rentrer chez lui. Cet espoir de retrouver son père, son ami Haïm et surtout Manouchak, celle qu’il aime, qui a récupéré son diplôme de fin d’études et à qui il a promis d’aller à Venise lui permettent de surmonter les affreux coups du sort auxquels il est confronté.

 

 

Le soleil, la plume et les champs de blé est un roman initiatique qui montre comment ce jeune homme innocent va traverser plusieurs expériences traumatisantes et les surmonter pour devenir un homme, un homme brisé qui peut-être se relèvera...

 

 

Depuis le déboulonnage de la statue de Staline après les accusations et critiques portées à son encontre par Nikita Krouchtchev lors du XXe Congrès  du Parti communiste de l’URSS, à Moscou, souvenir d’enfance de Djoudé, jusqu’à nos jours, en passant par les mines d’or de la Sibérie glaciale, les forêts russes, cette taïga où celui qui s’évadait devenait la proie des loups et des ours s’il ne mourrait pas de faim, les contrées qui bordent la mer Noire et les hôpitaux psychiatriques, on ne peut qu’être sidéré par la corruption omniprésente sous le régime soviétique. Les lendemains de la chute de l’URSS où le capitalisme a remplacé le communisme sont malheureusement loin d’en être exempts…

 

 

J’ai été pour le moins hypnotisée par les descriptions de Temur Babluani de ces immensités de forêt boréale difficiles à se représenter et par les six mois passés par Djoudé au fond de cette mine d’or, des scènes quasi apocalyptiques.

 

 

Certes, j’aurais aimé que Djoudé se rebelle face aux accusations injustes auxquelles il est soumis mais il est facile de comprendre que c’était la seule solution pour lui de rester en vie. J’ai apprécié qu’à plusieurs reprises grâce à son amour de la lecture, il puisse utiliser les livres  pour s’en sortir et faire face de façon noble à la fourberie et à la cruauté. Le dessin fait également partie prenante de sa vie et tout comme les rêves l’aident à survivre.

 

 

Le soleil, la lune et les champs de blé, de Temur Babluani (photo ci-dessous)  est un roman initiatique, un roman d’amour, un roman sur l’amitié, un roman d’aventures, qui se lit d’une traite. Roman historique aussi,  particulièrement riche avec en arrière fond, la déstalinisation, l’URSS de Khrouchtchev à Gorbatchev, la fin du bloc soviétique, la guerre civile géorgienne qui a suivi et l’arrivée du capitalisme sauvage. Il révèle, à mon avis, bien plus pertinemment et avec encore plus d’impact que n’en aurait un documentaire, la réalité cachée derrière la façade du « bien-être » soviétique.

 

 

Je remercie pour leur confiance Babelio et les éditions Le cherche midi.

Ghislaine

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M
Un premier roman qui a l'air très intéressant en effet. Je n'en ai pas encore entendu parler mais je vais le noter au cas où ma médiathèque en fasse l'acquisition. Merci pour ce partage, je vois qu'il vient de sortir !
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