David Foenkinos : Charlotte

Charlotte      par    David Foenkinos.

nrf, Gallimard (2014), 220 pages ; Folio (2016) 256 pages.

Prix Renaudot et Prix Goncourt des Lycéens 2014.

 

 

Profondément ému par le destin de Charlotte Salomon, peintre méconnue, David Foenkinos change ici complètement de style. S’il abandonne ses thèmes favoris, il conserve tout son talent. Mieux même, il prend le risque d’écrire en vers libres, un livre qui se lit d’une traite et bouleverse le lecteur : « J’éprouvais la nécessité d’aller à la ligne pour respirer. »

 

En huit parties et un épilogue, l’auteur de La Délicatesse nous fait vivre sa quête, ses recherches fructueuses ou non, sur les traces de cette Berlinoise qui croyait avoir trouvé, en France, un refuge sûr mais fut dénoncée comme tant d’autres, pour finir gazée à Auschwitz, à 26 ans…

 

Nous faisons d’abord connaissance avec sa tante, prénommée déjà Charlotte, qui s’est suicidée à 18 ans. La sœur de celle-ci, Franziska Grunwald, est devenue infirmière durant la Première guerre mondiale et a rencontré Albert Salomon, jeune chirurgien, en France. Ils se marient mais Albert repart au front et Franziska, à Charlottenburg, un quartier de Berlin, met au monde Charlotte, le 16 avril 1917.

 

« Pour Charlotte, la voix de sa mère est une caresse » mais Franziska est touchée par le mal familial, la dépression, et réussit à se suicider, chez ses parents, où elle est censée se soigner, séparée de son enfant qui ne comprend pas et à qui l’on cache la vérité. L’auteur nous fait vivre l’enfance de Charlotte puis son adolescence quand son père se remarie avec Paula, une cantatrice :

« Paula partage avec la jeune fille l’amour qu’elle reçoit. »

 

 

Hélas, tout commence à dégénérer dans le pays car le nazisme s’impose peu à peu : Paula est insultée en plein concert parce qu’elle est juive. Faut-il quitter le pays ?

« C’est hors de question.

C’est ici, leur patrie.

C’est l’Allemagne.

Il faut être optimiste, se dire que la haine est périssable. »

 

 « En janvier 1933, la haine accède au pouvoir. » L’auteur (photo ci-dessus) ne se contente pas de suivre le destin de son héroïne mais dresse un tableau de ce qui se passe alors, citant de nombreux cas célèbres ou non. Un an avant le bac, Charlotte ne peut plus étudier mais elle réalise déjà des tableaux prometteurs car un voyage en Italie, avec ses grands-parents, a été comme un révélation grâce aux musées qu’ils ont visités.

Enfin admise à l’Académie des Beaux Arts, elle fait la connaissance d’Alfred Wolfshon, professeur de chant de Paula, un homme qui sera le grand amour de sa vie. En 1938, elle obtient le 1er Prix de l’Académie mais ne le recevra pas, une énorme humiliation. Son père est arrêté sans raison et envoyé dans un camp de concentration, au nord de Berlin :

« Les arrestations ont visé avant tout les élites.

Les intellectuels, les artistes, les professeurs, les médecins. »

 

S’il revient, profondément marqué, il veut que sa fille parte alors qu’il aurait besoin de sa présence. Vie mouvementée, vie bouleversée, celle de Charlotte se poursuit à Villefranche-sur-Mer puis à Saint-Jean-Cap-Ferrat où elle réalise son œuvre majeure : Vie ? ou Théâtre ?, des tableaux accompagnés d’un récit. Auparavant, l’État français enfermant les Allemands réfugiés, elle a été internée au camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques), avec son grand-père.

 

Avant le drame final, Charlotte Salomon (1917 - 1943) a pris la précaution de confier son œuvre au Dr Moridis, un médecin de Nice, lui déclarant :

« C’est toute ma vie. »

 

 

Moridis la remettra à Ottilie Moore, riche américaine si généreuse avec Charlotte (photo ci-contre). Cette œuvre se trouve aujourd’hui au Musée juif d’Amsterdam où elle est, nous dit l’auteur, trop souvent reléguée dans les sous-sols.

 

 Jean-Paul

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