Laurent Gaudé : Salina, les trois exils

Salina, les trois exils      par     Laurent Gaudé.

Actes Sud (2018) 148 pages ; Babel (2020) 160 pages.

Prix du roman métis des lycéens 2019.

 

 

 

 

 

Le jour des origines, une scène terrible, déchirante ouvre le dernier roman de Laurent Gaudé qui, une fois de plus, ne déçoit pas, bien au contraire. Après avoir lu La mort du roi Tsongor, La porte des Enfers, Eldorado et Écoutez nos défaites, il ne fallait pas manquer celui-ci.

 

 

 

Dans Salina, les trois exils, il choisit la forme littéraire qui lui convient le mieux, celle du conte sans dater précisément son récit et sans le situer vraiment géographiquement, même s’il est permis d’en avoir une petite idée.

 

 

« Un petit être de chair est là, depuis des jours, des semaines, d’aussi loin qu’est parti cet homme étrange, et il pleure avec force, sans se lasser. » Une seule personne a le courage de braver l’indifférence des Djimba, leur peur devant ce bébé inconnu : Mamanbala et c’est elle qui l’appelle Salina, à cause du sel des larmes versées.

 

 

 

Après un préambule aussi fort, l’auteur propulse son lecteur à l’autre bout de la vie de Salina, au moment où Makala, son fils, revient avec une caravane de la tribu. Le lendemain, ils partent tous les deux pour ce qui est le dernier voyage de Salina, au-delà du Mont Tadma qui ferme l’horizon.

 

 

 

Salina sait qu’elle va mourir et Makala veut lui trouver une sépulture sur une île cimetière qu’il découvre en arrivant en ville. L’auteur conte cela avec douceur, sensibilité comme lorsque le fils nettoie le corps de sa mère.

 

 

 

Pour qu’elle soit acceptée sur cette île-cimetière, il doit raconter la vie de la défunte et c’est dans une barque, avec d’autres barques transportant des témoins que Makala commence à raconter. C’est à la fois passionnant et terriblement poignant.

 

 

 

Plein de vie et d’amour, ce roman m’a fait partager une existence marquée par la violence, une violence insupportable, injuste et perfide mais la magie du conte opère jusqu’au bout parce que Makala, le fils aux deux mères, a raconté jusqu’au bout la vie de Salina.

 

 

Laurent Gaudé (photo ci-dessus), tout en charmant son lecteur par une écriture fluide et sensuelle, donne une vraie leçon de vie : « Elle sait, elle, que la vie se soucie peu de la volonté des hommes, qu’elle décide à leur place, impose, écarte les chemins qu’on aurait voulu explorer et affaiblit ce qu’on croyait éternel. » 

 

 

Comment ne pas partager ce qui est dit et réfléchir en lisant cette phrase ? Comment ne pas prendre un plaisir infini en découvrant cette existence même si la révolte bouillait en moi devant tant d’injustice et de malveillance envers cette femme hors du commun ?

Jean-Paul

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