Kaouther Adimi : Les petits de Décembre

Les petits de Décembre     par    Kaouther Adimi.

Seuil (2019) 247 pages.

 

Le roman débute en février 2016 à Alger où de fortes pluies sévissent, et nous amène à Dely Brahim, commune de la banlieue Ouest d'Alger où l'auteure nous présente la cité du 11 décembre 1960 qui existe depuis 1987 et dont les lots ont été vendus à des militaires. Un plan de cette Cité est présenté au début de l'ouvrage. Au milieu du lotissement, un terrain d'un hectare et demi  est resté inoccupé. Il y a un peu moins de vingt ans, "un groupe d'enfants entreprit de le nettoyer, de bricoler des buts de fortune, de délimiter des zones et créer ainsi un terrain de football."

 

Depuis, sur ce terrain, resté terrain vague, des milliers de parties de foot ont été disputées par les enfants, les jeunes de la Cité et des environs. En ce 2 février 2016, comme souvent,  trois enfants, une fille Inès et deux garçons Jamyl et Mahdi bravent la pluie et font une partie dans la boue.

 

Voilà que le lendemain, à 10 h, se présentent sur le terrain, escortés par leur chauffeur descendu précipitamment de la voiture avec deux parapluies, les généraux Saïd et Athmane, tous deux dans les soixante-dix ans, des plans à la main. L'ancienne moudjahida Adila qui a combattu les Français, les armes à la main et a continué à militer pendant les années de terrorisme s'approche d'eux. Ils lui déclarent qu'ils viennent voir "leur terrain" sur lequel ils vont construire leur villa et que les travaux débuteront dans quelques mois, la parcelle leur appartenant.

 

C'est sans compter sur l'innocence, la détermination, la conviction et la certitude qu'ont les enfants de leur bon droit. Nos trois jeunes amis footballeurs dont le domaine va être confisqué vont s'organiser et se mettre à récupérer et à stocker de la nourriture et à en parler aux autres enfants. En cachette et à l'insu des adultes, ils vont organiser la résistance. Et le vendredi 25 mars 2016, commencera alors la révolte des petits de décembre.

 

Ce que leurs parents, trop timorés et résignés, n'ont pas eu le courage de faire, les jeunes, eux, vont oser ; ils vont se révolter, s'insurger et refuser d'obéir. Ils veulent faire renoncer les généraux, pour qu'ils abandonnent leur projet immobilier.

 

Cette rébellion, Kaouther Adimi (photo ci-contre prise aux Correspondances de Manosque 2019) nous la fait vivre comme un conte dans lequel les généraux se ridiculisent, les militaires sont des lâches et les enfants des héros et où les femmes et les filles sont bien mises en avant. Mais, en fait, elle nous fait vivre et comprendre la violence du régime algérien, sa corruption, ses dysfonctionnements, les difficultés du système à se réformer après cette décennie noire et le combat contre les islamistes. L'auteure nous fait revivre de façon originale et fort instructive tout un pan de l'histoire algérienne depuis l'Indépendance, dans le carnet intime d'Adila.

 

Les petits de décembre est un roman qui sous une forme de légèreté dans l'écriture raconte la société algérienne des années 80 à nos jours, et se révèle d'une immense force. Il nous plonge dans une Algérie toujours corrompue où les abus de pouvoir et les brimades sont toujours de mise. Il nous permet de comprendre les enjeux politiques des révoltes actuelles. Et, avec cette révolte des enfants contre l'injustice, inspirée de faits réels, naît l'espoir d'une génération qui saurait réussir à s'affranchir de la peur et construire un avenir meilleur.

 

J'avais beaucoup apprécié Nos richesses (Renaudot des lycéens 2017) et j'ai été conquise par Les petits de décembre que je recommande chaleureusement.

Ghislaine

 

 

 

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