Olivier Guez : La Disparition de Josef Mengele

La Disparition de Josef Mengele     par    Olivier Guez.

 Bernard Grasset (2017) 236 pages ; Le Livre de Poche (2018) 256 pages.

Prix Renaudot 2017.

 

 

 

 

 

Le temps passe, l’actualité défile, des événements importants ou surfaits occupent l’actualité alors que d’autres sont mis sous l’éteignoir. La lecture de livres ressortant de l’ombre une histoire récente, brouillée par tant de faits qui s’entrechoquent et perturbent notre mémoire est indispensable.

 

 

 

Comme Éric Vuillard, avec L’ordre du jour, Olivier Guez doit être lu absolument car La Disparition de Josef Mengele remet en perspective, sans négliger le moindre détail, toutes ces années qui ont suivi la défaite du nazisme. Pendant que le monde tentait de se relever, les acteurs de massacres inimaginables utilisaient tous les moyens, sollicitaient toutes les complicités pour ne pas avoir à répondre de leurs actes.

 

 

Olivier Guez a donc choisi de s’attacher aux pas du Docteur Mengele, le qualifiant ainsi : « Le médecin orgueilleux a disséqué, torturé, brûlé des enfants. Le fils de bonne famille a envoyé 400 000 hommes à la chambre à gaz en sifflotant. »

 

 

Quand la défaite du IIIe Reich a été consommée, ce criminel de guerre a réussi à se faire oublier puis, utilisant les réseaux nazis, a pu débarquer en Argentine, à Buenos-Aires, le 22 juin 1949. Ce scientifique, généticien de haut vol se fait appeler Helmut Gregor mais tient à garder avec lui une valise contenant seringues, échantillons de sang, plaquettes de cellules… Dans ses moments de nostalgie, il songe à « ses plus belles années d’ingénieur de la race, une cité interdite à l’odeur âcre de chairs et de cheveux brûlés ceinte de miradors et de fils de fer barbelé. »

 

 

Ce livre retrace alors la vie d’un homme toujours sur ses gardes, très méfiant, soucieux mais bien soutenu par la fortune familiale qui profite de la dictature de Perón comme tant d’autres nazis déjà réfugiés là-bas. L’auteur cite quantité de nazis pas du tout repentis, de criminels de guerre bien installés en Amérique du Sud qui savent profiter de la guerre froide et des rivalités est-ouest.

 

 

Depuis 1946, les Perón sont maîtres de l’Argentine, soutenus par l’Église, les militaires, les nationalistes et les prolétaires. Avec son écriture précise, concise, directe, Olivier Guez (photo ci-dessus) remet bien en place ces années-là.

 

 

Puis il y a la séquence Eichmann qui inquiète beaucoup Mengele. Cela ne l’empêche pas de revenir en Europe, à Genève puis à Günzburg, dans sa famille. Hélas, il n’est pas recherché en Allemagne, même s’il est placé sur la liste des criminels de guerre… La peur d’être reconnu le fait fuir à nouveau en Argentine où il peut couler des jours heureux avant de reprendre la fuite au Paraguay puis au Brésil.

 

 

Au passage, l’auteur égratigne Simon Wiesenthal auquel il reproche d’avoir créé « le mythe du meurtrier insaisissable. » Si « Mengele est un manipulateur égocentrique », Olivier Guez prouve qu’ « aucun nazi en cavale n’a bénéficié d’un tel soutien. » Après sa mort, le 7 février 1979, à 68 ans, sur une plage, près de S࣯ão Paulo, il faut attendre 1985 pour que sa fin soit confirmée.

 

 

« Toutes les deux ou trois générations, lorsque la mémoire s’étiole et que les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s’éclipse et des hommes reviennent propager le mal… il faut se méfier des hommes. »

 

La conclusion d’Olivier Guez est tellement juste et importante !

Jean-Paul

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