Caryl Férey : Paz

Paz        par     Caryl Férey.

Gallimard, série noire (2019), 535 pages.

 

Dès les premières pages, le décor est planté et notre curiosité aiguisée.

 

Un homme voit sa nuit - auprès d'une belle jeune femme brune Diana rencontrée sur Tinder, sous pseudo - écourtée suite à un appel téléphonique. Il doit rejoindre d'urgence le lieutenant Dunque, son bras droit. Diana se voit éjectée de l'appartement, sans explication. Elle a le temps de repérer sur la boite aux lettres le nom de celui qui vient de la virer de façon si peu élégante. Elle, qui est journaliste d'investigation pour le deuxième journal du pays El Espectador découvre qu'il n'est autre que Lautaro Bagader chef de la police criminelle et se dit que ce départ précipité doit cacher quelque chose d'important.

 

En effet, le cadavre d'une jeune fille nue, membres découpés et agencés selon la technique du "vase à fleurs" vient d'être trouvé quartier de la Candelaria. "Trente-six corps non identifiés retrouvés en morceaux aux quatre coins du pays dans la même semaine...", cette façon de procéder rappelle cruellement les massacres de la « Violencia », la guerre civile des années 50 qui a fait tant de morts et de déplacés. L'accord de paix signé récemment avec les FARC va-t-il devoir être remis en question ?

 

Un autre personnage entre en scène, Angel, frère de Lautaro, ex membre des FARC. Il  vient de sortir de prison et a trouvé un emploi dans une librairie de Carthagène grâce à Flora Ibanez, la coordinatrice du centre de réinsertion. Il découvre ou plutôt son chien découvre une tête humaine, à demi ensevelie dans le sable mouillé de la plage.

L'enquête parviendra-t-elle à résoudre tous ces crimes abominables perpétrés dans un pays déjà en grande souffrance ?

 

Si Caryl Férey avait situé Mapuche en Argentine, Zulu, en Afrique du Sud et Condor au Chili, pour Paz, il a donc choisi comme décor la Colombie, pays gangrené par la violence et la corruption.

 

Avec Paz, Caryl Ferey nous offre encore un excellent thriller, richement documenté, radiographie d'un monde violent, sans concession, mais hélas bien réel, en l'occurrence la Colombie, où certains hommes politiques coopèrent encore avec des groupes de narcotrafiquants et paramilitaires, malgré l'accord de paix récent avec les FARC.

 

Outre ce volet culturel hyper enrichissant de quasi reportage journalistique, c'est également le génie de Caryl Férey pour construire un thriller à l'intrigue très sombre, basé sur une tragédie familiale, au sein d'un conflit qui n'en finit plus de récidiver, que je salue. Sur plus de 500 pages, il maintient un suspense extraordinaire où la sociologie, la politique et l'amour sont étroitement mêlés. Paz est une grande fresque captivante de bout en bout portée par des femmes intrépides auxquelles l'auteur donne une place de choix.

 

On est très loin des romans à l'eau de rose et c'est souvent sombre, mais l'auteur a su apporter quelques touches d'humour et parfois de poésie, beaucoup de psychologie dans ses personnages. Ce polar à l'intrigue haletante m'a permis de découvrir un tableau de la Colombie, très documenté, loin des cartes postales.

 

Quant au titre Paz, n'est-ce pas ce que l'on souhaiterait, d'abord pour les personnages du roman et à plus grande échelle, pour la Colombie et pour le monde tout entier ?

 

Pour moi, Caryl Férey est le maître incontestable du polar sociologique et politique. Un vrai coup de cœur que j'ai pu ressentir grâce à Lecteurs.com dans le cadre des Explorateurs du polar et aux éditions Gallimard / série noire.

 

Ghislaine

 

 

Paz        par     Caryl Férey.

Gallimard, série noire (2019), 535 pages.

 

Une nouvelle fois, Caryl Férey m’a emporté dans un pays déchiré, la Colombie, après l’Afrique du Sud (Zulu), l’Argentine (Mapuche) et le Chili (Condor). Cette paix annoncée par le titre, Paz, est loin de régner mais attention à ne pas confondre avec la capitale bolivienne, La Paz, un autre pays d’Amérique latine, situé bien plus au sud de celui dont la capitale est Bogotá.

 

Avec son talent unique d’écrivain maîtrisant parfaitement le thriller politique et social, il m’a permis de plonger dans les affres d’une société gangrénée par tous les trafics mais avant tout par celui de la drogue auquel s’ajoute celui, moins connu, des mines illégales.

 

La violence terrible et pourtant atténuée, comme le confie l’auteur dans ses notes de fin d’ouvrage, est omniprésente. Au travers des échos que nous avons dans notre lointaine Europe, il est difficile, voire impossible d’imaginer un tel degré de mépris de la vie humaine. Pour cela, peut-être faudrait-il remonter aux dégâts irréversibles causés par les conquistadores ?

 

Dans Paz, tout tourne autour de la famille Bagader. Saúl, le père, est un éminent personnage, Procureur général de la Fiscalía, il tire les ficelles afin que le pouvoir serve au mieux ses intérêts. Pour cela, il a placé Lautaro, son fils cadet, à la tête de la police criminelle de Bogotá.

 

Si son épouse, Lorena, est très troublée psychiquement, il y a des raisons que je découvre au fil des pages. Lautaro a un frère aîné, Angel, qui a choisi, par idéal, de rejoindre les FARC (forces armées révolutionnaires de Colombie) pour tenter d’abattre un pouvoir corrompu. Hélas, pour lui, bien avant que les négociations tenus à La Havane pour ramener enfin la paix (Paz) dans le pays, Angel a été capturé après que tous ses compagnons aient été massacrés. Il a vécu cent vingt jours cauchemardesques aux mains des paramilitaires puis passé huit ans en prison.

 

Au moment où se déroule l’histoire, il est en pleine réinsertion, travaille dans une librairie de Carthagène et côtoie Flora Ibanez, travailleuse sociale. Angel et Valeria, sa compagne à l’époque des FARC, ont eu une fille, Lucia, confiée à Rafaële, sa grand-mère, afin qu’elle ait la vie sauve.

 

Retrouver sa fille est l’unique but que poursuit Angel mais, pour cela, il doit faire la lumière sur l’histoire très complexe de sa famille. De plus, une vague de crimes atroces, mis diaboliquement en scène, secoue le pays. Pourquoi ? Pour qui ?

 

C’est ce que j’ai voulu absolument savoir en dévorant ce roman de la série noire de Gallimard, passant au travers de crimes plus atroces les uns que les autres, d’une misère noire poussant les paysans des montagnes à abandonner la culture du manioc pour la coca. Cette cocaïne dont le trafic enrichit des puissants se voulant très respectables afin que, dans les cités nord-américaines ou européennes, beaucoup trop de nos semblables décollent de la réalité, fassent la fête… Quelle fête ? Quelle réalité ? Pour combien de vies gâchées ? Pour en savoir plus sur ce thème, il est indispensable de lire Extra-pure de Roberto Saviano.

 

Paz m’a complètement emporté dans ce pays lointain, la Colombie, pour lequel Caryl Férey réussit de magnifiques descriptions qu’elles soient urbaines ou en pleine nature. C’est un fameux roman noir, plein, toutefois, d’humanité.

Jean-Paul

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