Jón Kalman Stefánsson : Ásta

Ásta        par     Jón Kalman Stefánsson.

Où se réfugier quand aucun chemin ne mène hors du monde

Traduit de l’islandais par Éric Boury (titre original : Saga Ástu)

Bernard Grasset – En lettres d’Ancre (2018) 490 pages ; Folio (2019) 480 pages.

 

Explorateur de la rentrée littéraire 2018 pour Lecteurs.com, la formule s’est révélée encore plus exacte au travers de la lecture de ce nouveau roman de l’écrivain islandais, Jón Kalman Stefánsson : Ásta, et son sous-titre qui laisse rêveur (Où se réfugier quand aucun chemin ne mène hors du monde).

 

Je me suis donc laissé emporter en Islande, balloté parfois entre les fréquents changements d’époque et de point de vue, l’écrivain revenant régulièrement dans le jeu ce qui lui permet de mettre en exergue l’invasion touristique de son île.

 

 

L’histoire d’Ásta m’a fait frémir, souffrir et j’ai regretté que tant de possibilités soient gâchées au cours de cette vie si intense, marquée d’abord et avant tout du sceau de l’amour. L’amour sans tabou, sans retenue apporte tant de joies, tant de bonheur mais lorsqu’il est avant tout prioritaire, il peut mener à la catastrophe et causer d’irréversibles dégâts comme cela est bien démontré tout au long des péripéties de la vie de la seconde fille d’Helga et Sigvaldi.

 

 

Sigvaldi, justement, est fort mal en point après sa chute d’une échelle, en Norvège cette fois, sur ce trottoir où une femme recueille ses derniers mots. La mort menace toujours : « Certains collectionnent des timbres, d’autres des livres, d’autres encore de l’argent, la mort collectionne les vies et elle n’en a jamais assez, il lui reste toujours de la place. »

 

 

Ce sont des vies qui commencent bien, ont tout pour réussir mais tournent mal : « Il est impossible de vivre sans faire de bêtises », affirme l’auteur qui le prouve et nous emmène loin de Reykjavik, dans les fjords de l’ouest où, dans une ferme, on se charge de remettre dans le droit chemin les ados récalcitrants. Ásta est de ceux-là et ce séjour constitue une des périodes les plus intrigantes du roman car elle y rencontre Jósef, du même âge. Ils travaillent pour Árni et Kristín, sa mère. Que j’ai aimé ce passage sur le foin dans cette partie intitulée : « Condensé de l’Histoire de l’Islande. » ! Quand la vie ou la mort des paysans dépendait de la quantité de foin engrangée durant l’été… C’était pareil dans bien des campagnes françaises.

 

 

Ces passages sont révélateurs de l’esprit profond des gens de ce pays comme les références fréquentes aux auteurs et poètes auxquels Stefánsson se réfère. De plus, je l’ai déjà laissé entendre, la structure de ce roman n’est pas ordinaire et l’originalité se retrouve dans la présentation des différents chapitres qui n’en sont pas exactement. Un début de phrase commence au milieu d’une page blanche… et se poursuit deux pages plus loin. Cela m’a étonné mais j’ai complètement adhéré, ce qui a contribué à faire de la lecture d’Ásta un bon et long moment de plaisir.

 

 

Ásta, cette héroïne que j’ai suivie, abandonnée pour connaître de façon plus détaillée la vie d’Helga, sa mère, ou d’autres personnages secondaires, se confie même au cours d’une série de six lettres auxquelles il faut ajouter un autre courrier venu de l’abîme mais dont je ne peux citer l’auteur.

 

 

Je me suis régalé. J’ai été patient. Je me suis laissé emporter par le style de Jón Kalman Stefánsson (photo ci-dessus) qui sait être poétique, direct, éloquent, précis, trivial, énigmatique parfois et fournit enfin un épilogue qui ne résout pas tout mais qu’importe, le régal était complet.

Jean-Paul

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