Pierre Jourde : Pays perdu et La première pierre

Pays perdu     par    Pierre Jourde.

L’Esprit des Péninsules (2003) ; Pocket (2005) 192 pages.

Prix Générations du Roman 2003.

 

 

Une fois n’est pas coutume mais là, il n’est pas possible de dissocier ces deux livres de Pierre Jourde : Pays perdu et La première pierre dont je parle un peu plus bas.

 

 

Enseignant et écrivain, Pierre Jourde a beaucoup bourlingué dans de nombreux pays mais c’est en Auvergne, dans le Cantal, que sont ses racines : « C’est un pays perdu, dit-on ; pas d’expression plus juste. On n’y arrive qu’en s’égarant. Rien à y faire. Rien à y voir. Perdu depuis le début peut-être, tellement perdu avant d’avoir été que cette perte n’est que la forme de son existence. Et moi, stupidement, depuis l’origine, je cherche à le garder. Je voudrais qu’il soit lui-même, immobilisé dans sa propre perfection, et qu’à chaque instant on puisse s’en emplir. »

 

Dans ces quelques lignes, il y a la quintessence d’un livre qui a été si mal compris. Revenant au pays pour l’enterrement de Lucie, la petite fille de François et Marie-Claude, Pierre Jourde revoit tout ce qui fait la vie, là-haut. Il lie cela à la mort de son père et, de son style qui peut être percutant et très poétique en même temps, il parle des gens, des machines agricoles qui estropient, des bêtes, des accidents. Il est impossible de détacher une description plus qu’une autre car Pays perdu est un ensemble qu’il faut lire d’une seule traite.

 

 

Au fil des pages, il n’oublie rien : « Le sort prématuré des maisons qui s’enfoncent en elles-mêmes et ne laissent que le moins possible d’ouvertures au froid polaire de l’hiver. La suie et la sueur, le purin et la poussière comme une tunique protectrice. »

 

Mais, ce qui n’était pas prévu, ce livre a une suite.

 

 

 

La première pierre      par    Pierre Jourde.

nrf – Gallimard. (2013), 208 pages ; Folio (2015) 240 pages.

Prix Jean Giono 2013.

 

 

 

Un an après la parution de Pays perdu, alors qu’aucun de ses précédents livres n’était jamais parvenu là-haut, la polémique bien orchestrée est lancée : « Surtout, tu ne cognes pas… Si on t’agresse, tu ne réponds pas. » Pierre Jourde, son épouse et leurs trois enfants, revenus pour passer quelques vacances dans leur maison, sont littéralement agressés, violentés.

 

 

Pourtant, après avoir reçu insultes et menaces, il avait pris la peine d’écrire à chaque habitant de Lussaud pour expliquer sa démarche d’écrivain mais ce fut en pure perte. Ici, l’auteur parle à la deuxième personne du singulier, ce qui donne un caractère encore plus émouvant au texte : « Si tu as écrit ce livre, c’est par amour du pays, tu y viens deux à trois fois par an depuis ta naissance. »

 

 

On lui reproche d’avoir révélé des histoires intimes alors qu’il avait changé tous les noms sans révéler le nom du Pays perdu : «… il y en a qui ne les savaient pas dans la famille. » À peine arrivé, tout dégénère : « Les pierres commencent à voler. Tout le monde s’y met. » Ses deux aînés, métis, sont traités de « sales Arabes » et son plus jeune fils, âgé d’un an est blessé à la tête. Le sang coule.

 

 

Tout cela aboutit deux ans après au tribunal d’Aurillac et les auteurs des violences sont condamnés mais rien n’est terminé. Pierre Jourde (photo ci-contre) va plus loin dans ce livre pour tenter de comprendre et d’expliquer pourquoi des gens avec lesquels il partageait tant de choses en sont arrivés là.

Jean-Paul

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