Alain Vircondelet : Rimbaud, dernier voyage

Rimbaud, dernier voyage     par   Alain Vircondelet.

Éditions Écriture (2021) 193 pages.

 

Comme son titre l’indique, Rimbaud , dernier voyage raconte le retour du poète vers sa terre natale, contraint par la maladie.

 

En trois parties, suivies d’une chronologie, Alain Vircondelet, ce spécialiste des littératures des XIXe et XXe siècles, retrace avec talent le départ d’Aden pour la France de Arthur Rimbaud et ses derniers mois entre Marseille et les Ardennes, avant sa mort, survenue le 10 novembre 1891.

 

Sur les conseils du Docteur Nouks, le 9 mai 1891, le poète est embarqué sur une civière depuis Aden, sur L’Amazone, le bateau-vapeur, fleuron des Messageries maritimes qui fait le lien entre les colonies de l’Extrême-Orient et la France, à destination de Marseille. Il y parvient le 20 mai. Lui qui souhaitait retrouver les Ardennes et les bois, revenir à Roche, la ferme familiale où vivent sa mère et sa sœur,  souffre terriblement et préfère qu’on l’emmène directement à l’hôpital « Qu’on en finisse avec cette satanée jambe. Qu’on lui règle son compte. » selon ses propres termes.

 

Admis à l’hôpital de la Conception, à l’âge de 36 ans, un néoplasme de la cuisse est diagnostiqué et le 22 mai, les mots redoutés tombent, implacables, il faut amputer, la tumeur est trop avancée.

 

 

Sa mère vient à son chevet et y restera deux semaines. Le 23 juillet, il quitte l’hôpital et prend, seul, le train pour les Ardennes. Son état de santé s’aggravant à nouveau, le 23 août, il repart pour Marseille accompagné de sa sœur Isabelle, espérant toujours retourner au Harar. Hospitalisé à nouveau à Marseille, son cancer se généralisant rapidement, il s’éteint le 10 novembre 1891, sa sœur à ses côtés, témoin de ses derniers jours.

 

 

Alain Vircondelet (photo ci-dessus) dont l’écriture m’a semblé en complète adéquation avec ce personnage encore aujourd’hui nimbé de ses mystères et de ses secrets, donne à lire et à découvrir, pour moi, en tout cas, une période peu connue de la vie de Rimbaud, son ultime voyage.

 

Loin de se satisfaire de dates et de commentaires, l’auteur se met dans la tête d’Arthur et nous fait vivre au plus près sa solitude, et sa terreur face à la mort prochaine.

 

Il analyse finement la relation que celui-ci a entretenue avec sa mère, la mother ou la mère Rimb’ comme il l’appelle, n’omettant pas au passage la fâcherie de celle-ci avec son autre garçon et la mort de sa petite, ainsi que son trouble et sa jalousie en voyant que c’est auprès d’Isabelle, sa sœur, qu’Arthur va s’épancher, notamment avec leur échange épistolaire. Ne pas oublier que lorsqu’elle le rejoint à Marseille, cela fait douze ans qu’ils ne se sont pas vus !

 

De même, il rend compte de la sensation d’étouffement que ressent rapidement notre héros lorsqu’il se retrouve dans la maison familiale et toujours ce désir, même lorsqu’il est au plus mal ce désir de repartir, de reprendre la mer vers l’Abyssinie. Cette fringale de surprendre l’inconnu ne cessera jamais malgré la douleur lancinante ressentie depuis son départ d’Aden, un long calvaire, et l’accompagnera jusqu’à sa mort. Dans son délire, ne fait-il pas d’ailleurs un inventaire, assez ubuesque sur des lots de dents qui seraient en fait des défenses d’ivoire, étant à nouveau le négociant au bord de la Mer Rouge, dans l’est de l’Éthiopie ?

 

En utilisant les trois premières personnes du singulier pour son récit, Alain Vircondelet rompt la monotonie que pourrait prendre cette biographie romancée et, en tutoyant Rimbaud comme s’il était à ses côtés,  n’hésitant pas à lui faire part de son soutien parfois, tisse un lien très serré avec lui ainsi qu’avec le lecteur.

 

Dans ce récit très intimiste, il n’hésite pas à insérer quelques extraits de son œuvre dans des passages en italique pour notre plus grand plaisir.

 

Évidemment est posée la grande question, à savoir si dans les derniers instants de sa vie, il a retrouvé la foi, lui, qui « des bondieuseries, n’avait jamais voulu entendre parler ».

 

 

Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Écriture qui m’ont permis de découvrir Rimbaud, Dernier voyage et ainsi de parfaire ma connaissance sur une des figures majeures de la littérature française.

 

 

À noter la très belle couverture avec cette célèbre photo du poète dont le regard avec ce voile qui transperce, cette intensité et cette absence tout à la fois a été saisi en septembre 1871 par Carjat.

 

 

Dommage, deux erreurs se sont glissées à la fin de la chronologie...

Ghislaine

 

 

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