Aude Lafait : L'île déchirée

L’île déchirée      par     Aude Lafait.

Le Lamantin (2019) 226 pages.

 

 

À Chypre, alors qu'il se réjouissait de passer une soirée tranquille, l'inspecteur Michaelides est appelé dans le boyau de la Green line ou Ligne verte, une zone démilitarisée fantôme, contrôlée par l'ONU depuis 1974. Deux jeunes ont signalé un cadavre. Il s'agit du corps de Stavros Alexiou, marchand d'art, retrouvé mort avec des hématomes, le nez cassé, une plaie au cou. Sa sœur, Eleni, conservatrice de musée à Londres rejoint Kiti, petit village où vit leur mère Xénia. Toutes deux avaient dû fuir Enkomi, au nord du pays, en juillet 1974, lorsque l'unité chypriote avait éclaté, isolant ses peuples, Grecs et Turcs dans deux territoires délimités par une démarcation. Eleni avait 8 ans lors de cette expulsion vers le sud et sa mère ne savait pas encore qu'elle était enceinte de Stravos qui ne connaîtra pas son père. Celui-ci qui officiait à l'église du village n'avait pu être avec elles lors de cette fuite et elles n'ont jamais su ce qui s'était réellement passé. Pendant vingt-neuf ans, il n'a plus été possible aux Chypriotes grecs de retourner vers le nord. Ce n'est que le 21 avril 2003 que le checkpoint de Ledra avait été ouvert. Si Stravos était curieux et excité de découvrir le nord, n'ayant pas connu la douleur du déracinement, pour sa mère et sa sœur, il en était tout autrement.

 

L'enquête de l'inspecteur Michaelides va devoir remuer les vestiges du passé et Eleni va découvrir une part insoupçonnée de la vie de son frère.

 

C'est un livre que je n'ai pas pu lâcher avant de l'avoir terminé tant je souhaitais connaître le dénouement. Mais, je dois dire que, outre l'enquête menée avec brio par l'inspecteur et son équipe et le suspense maintenu jusqu'à l'ultime page, c'est le contexte dans lequel se place celle-ci qui m'a le plus séduite.

 

Photo ci-contre : Nicosie, la dernière capitale divisée...

 

 

Aude Lafait a, je pense, retranscrit avec beaucoup de justesse les sentiments éprouvés par tous ces chypriotes qui ont dû abandonner du jour au lendemain leurs maisons, leurs terres, leur vie toute entière, pour fuir devant les bombes, les atrocités en tout genre qui ont fait beaucoup de disparus. Elle décrit avec pudeur, le courage qu'il a fallu à tous ces gens dans cette terrible épreuve.

 

 

Ce rendu si prégnant de la vie sur l'île n'est pas anonyme puisque Aude Lafait (photo ci-contre) a vécu à Chypre entre 2010 et 2012.

 

 

Une place importante est accordée à la religion dans le roman. Cette religion orthodoxe est vraiment très importante à Chypre et aura une part non négligeable dans l'enquête. L'auteure, d'ailleurs, n'a pas hésité, sans exagérer, à ajouter quelques explications en bas de page pour définir certains mots.

 

 

En conclusion, L'île déchirée est un superbe polar dans lequel Aude Lafait mêle brillamment une intrigue policière et la vie d'un peuple malmené par l'Histoire chez qui les stigmates de la guerre sont encore présents.

 

Le titre et la photo de couverture illustrent superbement ce deuxième roman d'Aude Lafait.

Ghislaine

 

 

 

 

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M
Une page d’histoire qui sert de décor à ce polar et encore un mur pour séparer les hommes.... Le thème me plaît bien, merci.
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G
Dommage ! Ce livre a été pour moi une belle découverte de cette île et de son histoire, histoire dont on ne parle quasiment plus.
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M
moins enthousiaste que toi.
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