Isabelle Bunisset : Vers la nuit

Vers la nuit       par     Isabelle Bunisset.

Flammarion (2016), 132 pages.

 

 

Pour son premier roman, Isabelle Bunisset (photo ci-contre) qui enseigne à l’université de Bordeaux, nous conte les dernières heures de l’écrivain qu’elle connaît le mieux : Louis-Ferdinand Céline. En effet, elle est l’autrice d’une thèse sur la dérision chez Céline.

 

 

Nous sommes le 30 juin 1961, à Meudon. Il est 16 h et il fait très chaud. L’autrice fait parler, délirer souvent, Céline qui s’acharne à terminer Rigodon, son dernier roman qui ne sera publié par Gallimard qu’en 1969. Tout de suite, il parle de Lucette, son épouse, qu’il a connue en 1935 et qui l’a suivi partout. Elle a une école de danse à l’étage au-dessus.

 

Il parle des bombardements, de sa fuite, des journalistes qui tentent de le rencontrer car « le pépé acariâtre » est à la mode après avoir été traîné dans la boue : « Dumayet, Chancel, Pauwels, Brissaud, Audinet, Lazareff sont venus interroger l’oracle. »

 

 

Ce Prix Goncourt qu’il n’a pas eu en 1932, avec Le Voyage au bout de la nuit, alors qu’il était encore respectable, récoltant les faveurs de Beauvoir, de Sartre, d’Aragon et de Triolet, il ne l’a jamais digéré.

 

Ses souvenirs se bousculent : la taule, les maladies, l’attente du peloton d’exécution, la fuite au Danemark, sa radiation de l’Ordre des médecins… Il parle de son invalidité à 75 % à cause de sa trépanation et de cette balle qui se balade dans sa tête. Tous ses droits d’auteur mis de côté avant-guerre ont été confisqués et ces Chinois qui le hantent…

 

 

Il s’emporte contre « les écrivaillons à la mode ». Proust, Gide, Mauriac, Giono ne sont pas épargnés. La Fontaine, Stendhal, Villon, La Bruyère, La Rochefoucauld, Shakespeare, Diderot, l’abbé Brémond, Montaigne, Saint-Simon trouvent grâce à ses yeux mais ce ne sont pas vraiment des contemporains.

 

 

Les heures passent et il souffre atrocement. Il repense à ce 27 octobre 1914 : « Ça ne s’oublie jamais la guerre… », son bras inerte, sa tête, sa surdité à cause d’un obus. Il avoue : « Comme s’ils savaient guérir les médecins… » puis, un peu plus loin : « Je ne me heurte pas à la mort, je la cherche au contraire, positivement. »

 

 

Il évoque ses souvenirs d’enfance, parle de Bonaparte : « Que savait-il du courage ce fou sanguinaire ? » Ses expériences de médecin qui a toujours pris soin des pauvres ne l’empêchent pas d’être « l’antisémite n°1 depuis plus d’un demi-siècle. Bourreau de moi-même mais assassin de personne, c’est ça le vrai. »

 

 

Celui qui avait été en photo en première page du Petit Journal illustré, en grande tenu du 12e Régiment de cuirassiers avec médaille militaire, croix de guerre avec étoile d’argent, arrive à « La fin du voyage ». Il sait qu’il n’aura pas de Panthéon, « Tout le monde n’est pas Hugo » mais ajoute : « Le clochard de la littérature tire sa révérence. » Le jour se lève et nous sommes le 1er juillet 1961.

 

Vers la nuit, roman original, agréable à lire, permet d’éclairer un peu différemment ce que nous savons d’un écrivain controversé mais au talent unique.

Jean-Paul

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