Laurent Mauvignier : Autour du monde

Autour du monde       par       Laurent Mauvignier.

Les éditions de Minuit (2014) 371 pages.

 

Ce pourrait être un recueil de nouvelles mais Autour du monde est bien plus que cela. Laurent Mauvignier (photo ci-dessous), pour son dixième roman, a réalisé une œuvre littéraire pleine et captivante car les tranches de vies qui se succèdent ont un lien : le terrible tremblement de terre suivi d’un tsunami qui a ravagé une partie du Japon, le 11 mars 2011.

 

 

Avec une fluidité remarquable, l’auteur fait passer son lecteur du Japon en mer du Nord puis aux Bahamas, en Israël, à Moscou, au Canada, en Tanzanie, à Rome, au large de la Somalie, au nord de l’Italie près de la frontière slovène, en Thaïlande, aux États-unis et à Paris avec une famille japonaise qui ne peut pas rentrer à cause de la catastrophe, bouclant ainsi ce tour du monde fait de destins allant du plus ordinaire au plus extraordinaire.

 

 

 

Tout cela est mené avec un style efficace, très prenant, par un écrivain possédant un sens du détail très poussé. Yûko et son ami mexicain, Guillermo, ouvrent le récit « Dans un pays où la langue est aussi abstraite qu’une toile de Pollock, une langue qui lui semble ne pas avoir de grammaire, d’ordre établi. » Une avalanche de verbes traduit l’effet de cette vague immense qui dévaste tout : « L’eau va étriller, écraser, déporter. L’eau va tout envahir. Se répandre, répandre sa marée noire de boue… L’eau qui monte. Qui avale et prend tout. » Plus loin, il parle « d’un festin amer et monstrueux. »

 

 

Salma à Jérusalem, sur la terre de ses grands-parents, découvre la vie quotidienne des Palestiniens lors d’un passage au check-point : humiliations, brimades, fouilles systématiques, désespoir mais aussi misère derrière ce mur censé protéger Israël des terroristes.

 

 

Impossible de passer sous silence les retrouvailles entre Syafiq et Stas, à Moscou, une scène extraordinaire, cascade de mots, d’actions pour deux hommes qui font l’amour. À Dubaï, M. Arroyo, originaire des Philippines, travaille dans un hôtel au service des « touristes qui vivent leur rêve en venant dans un pays qui est une bulle de savon sophistiquée, fragile et improbable. »

 

 

Le safari en Tanzanie de ces riches Australiens révèle un comportement odieux puis voilà Rome avec Peter et Fancy : « Rome, on y vient même un peu pour désirer ce retour, organiser la nostalgie qu’on aura bientôt et qui pointe son nez avant d’être reparti. » Après avoir laissé Juan et Paula, sur leur catamaran, aux prises avec les pirates Somaliens, c’est l’histoire édifiante de Giorgio et Ernesto, deux retraités italiens qui rêvent de remporter le jackpot dans un casino, en Slovénie : « Des excès ? Quels excès ? On rejoue et on perd et on gagne, à la fin on reperd indifféremment tout et même plus encore. »

 

 

Enfin, l’auteur nous offre le road-movie de Vince, auto-stoppeur hyper-réac et raciste puis c’est l’émouvante Fumi (8 ans) qui veut absolument raconter ce qu’elle découvre en France à sa mamie restée au Japon. Hélas, Ichiro, le grand frère rappelle l’horrible réalité, ce mur de 5 m, censé protéger le village de leurs grands-parents et qui a été emporté par des vagues de 10 à 15m.

 

Jean-Paul

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