Isabelle Sorente : La femme et l'oiseau

La femme et l’oiseau    par  Isabelle Sorente.

Jean-Claude Lattès (2021) 396 pages ; Folio (2019) 235 pages.

 

 

Quand sa petite-nièce, Elisabeth, lui téléphone pour savoir si elle peut se rendre chez lui avec sa fille Vina, Thomas, 91 ans qui habite la maison où il a grandi en pleine forêt des Vosges, un peu affolé par la détresse et la lassitude perçues dans sa voix, lui déclare sa joie de les voir toutes les deux.

 

Vina, 14 ans, surdouée, tourmentée par ses origines et troublée par les bouleversements de l’adolescence a été exclue de son lycée pour avoir menacé un camarade. Sa mère, directrice d’une société productrice de documentaires, elle-même surmenée est au bord de la rupture. Un séjour chez ce grand-oncle qu’elle considère comme sa seule famille car lui seul ne l’a jamais jugée s’avère, il lui semble, le seul moyen de lâcher-prise.

 

Dès leur arrivée en Alsace, Vina est très vite intriguée puis fascinée par cet homme qui communique avec les rapaces et semble deviner les pensées.

 

Rapidement des liens vont se tisser entre le vieil homme et l’adolescente.

 

 

 

En parallèle à l’histoire de cette mère et sa fille confrontées à des choix difficiles, l’auteure revient sur ce que vécurent Thomas et son frère Alex enrôlés malgré eux dans l’armée allemande en 1944.

 

 

 

En se basant sur des faits réels, c’est pour Isabelle Sorente le moyen de mettre en avant ce tragique épisode des « Malgré-nous », ce drame méconnu de la Seconde Guerre mondiale, peu souvent évoqué.

 

 

Elle montre comment ces Alsaciens ou Mosellans n’avaient d’autre choix que d’obéir, sauf à se blesser dangereusement eux-mêmes, pour se rendre inaptes à partir sur le front russe en uniforme allemand alors qu’ils étaient français, ou à disparaître et à être considérés alors comme déserteurs exposant leurs familles à l’expulsion et aux représailles.

 

Photo ci-dessus : Isabelle Sorente.

 

À l’incorporation forcée et l’horreur vécue sur le front, vont s’ajouter pour les deux frères les conditions de vie terribles par un froid glacial dans un camp de prisonniers soviétique, ce camp 188 de Tambov-Rada, où furent détenus et où moururent nombre de « Malgré-Nous » ayant déserté le front ou faits prisonniers par l’Armée rouge. Des passages parfois très crus permettent d’approcher ce qu’a pu être la réalité pour ces jeunes enrôlés.

 

 

La femme et l’oiseau est un huis-clos psychologique conduit magistralement par Isabelle Sorente, dans lequel chacun des personnages est, a été et peut être encore confronté à des choix, des choix souvent douloureux, jamais anodins pour leur avenir.

 

Au fur et à mesure que les liens se tissent entre Thomas, Elisabeth, Vina et Mona, l’aide-ménagère de Thomas, chacun dénoue les secrets de l’histoire familiale. Et pour guérir leurs blessures, pour se libérer des fantômes qui les hantent, tous devront affronter leur culpabilité.

 

Quelle magnifique image que ce vieil homme qui donne confiance à cette adolescente qui, en retour, lui permet de se libérer de son secret !

 

 

J’ai aimé cette symbolique du faucon dont se sert Isabelle Sorente au travers de son personnage Thomas. Cet oiseau majestueux à la vue hyper développée qui a sauvé celui-ci en lui permettant de s’évader par la force de l’esprit montre qu’on n’est jamais complètement piégé dans une situation, qu’il peut y avoir une possibilité de s’en extraire.

 

 

Ce roman haletant, développe avec beaucoup de profondeur et de sensibilité la relation-mère-fille et le thème de la gestation pour autrui, de même qu’il exprime avec justesse la résilience et la transmission entre les générations et se penche aussi avec finesse sur le sens de la vie.

 

 

Un grand coup de cœur pour La femme et l’oiseau d’Isabelle Sorente.

 

Je remercie Babelio et Folio pour m’avoir permis avec ce somptueux roman  de découvrir une auteure que je ne connaissais jusque-là que de nom.

 

Ghislaine

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M
Je ne connaissais pas. Merci pour la découverte...je le note car le sujet m'intéresse beaucoup
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D
je ne connais pas du tout, merci de nous la faire découvrir, et quelle belle couv !
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