Miguel Bonnefoy : Héritage

Héritage          par      Miguel Bonnefoy

 Rivages (2020) 206 pages.

 

 

Fin du XIXe siècle, un vigneron du Jura ruiné par le phylloxera quitte le pays. Il embarque à destination de la Californie avec un cep de vigne sain dans la poche. Souffrant de fortes fièvres, le capitaine du navire le débarque à Valparaiso au Chili, dont il ignore totalement la langue.

 

Quand un agent lui demande son nom, lui, pensant avoir deviné la question, répond Lons-le-Saunier et c'est ainsi que vient de naître la lignée des Lonsonier. Une nouvelle vie commence. Il épouse Delphine Morizet, le couple s'installe à Santiago et ils auront trois garçons qui partiront se battre pour la  France en 1914, lors de la première guerre mondiale. Seul Lazare reviendra.

 

C'est ainsi que Miguel Bonnefoy (photo ci-dessous) raconte dans Héritage, la saga d'une famille sur quatre générations, des débuts de la IIIe République à la dictature de Pinochet, en 200 pages seulement, mais de telle manière que j'en suis ressortie époustouflée.

 

Époustouflée par le talent de conteur de ce jeune auteur. Un mélange d'imaginaire, de fantastique parfois, nous plonge dans un récit merveilleux aux mille couleurs, aux mille senteurs. Mais pour autant, la réalité est là, présente, la réalité historique avec la Première et la deuxième Guerre mondiale ainsi que la dictature de Pinochet. Les blessures physiques n'épargneront pas les membres de cette lignée mais l'écrivain insistera beaucoup sur les blessures morales que vont engendrer ces événements et les cas de conscience auxquels ils ont été confrontés.

 

J'ai eu l'impression de lire une fable, un conte de fées exotique avec des hommes et des femmes dont j'ai admiré la force, le talent, le génie, des personnes audacieuses, éprises de liberté, pleines de rêves. J'ai malheureusement dû aussi côtoyer la barbarie avec les deux guerres, mais encore plus atrocement avec les arrestations arbitraires en masse et les tortures inqualifiables pratiquées dans les geôles chiliennes.

 

Sans cacher la cruelle réalité historique, et au contraire, en montrant précisément les dégâts psychologiques qu'elle a pu engendrer, c'est avant tout un récit lumineux, dextrement poétique et imaginatif, parfois un peu fou, dans lequel les figures féminines sont particulièrement belles et puissantes que Miguel Bonnefoy nous donne à découvrir.

 

C'est un magnifique voyage sur les deux continents qu'il m'a été donné de lire, une véritable épopée, un livre lumineux que je verrais bien devenir un film. Je n'ai d'ailleurs pas pu m'empêcher de penser à Kusturica, le jour où Margot tente de faire décoller son avion et qu'arrive son grand-père El Maestro avec sa fanfare (un merveilleux moment de poésie !).

 

Héritage : un roman entre rêve et réalité, une ode au métissage, à la fusion des cultures et à l'humanisme.

 

Ayant eu la chance de rencontrer cet écrivain aux Correspondances de Manosque, les qualités de son œuvre sont à la hauteur de cet homme, chaleureux, simple et lumineux presque envoûtant, ensorceleur. Il parle aussi bien qu'il écrit et inversement.

Ghislaine

 

Héritage       par    Miguel Bonnefoy.

 Rivages (2020) 206 pages.

 

Comme dans Sucre noir, je me suis laissé embarquer par Miguel Bonnefoy dans Héritage et je ne l’ai pas regretté car le style de ce jeune auteur est toujours aussi riche et prenant.

 

Héritage est une histoire d’exil et de retour, de transmission et de lutte, mêlant fantastique et imaginaire à la plus terrible réalité, le tout basé sur l'histoire familiale de l'auteur.

 

Détruit par le phylloxéra, le père de Lazare Lonsonier avait quitté son Jura natal et son exploitation viticole anéantie. Il était parti pour la Californie avec trente francs en poche et un cep de vigne, à la fin du XIXe siècle. Le canal de Panama n’existant pas à l’époque, il fallait faire le tour par le détroit de Magellan, au sud de l’Amérique. Il n’arriva jamais en Californie car il débarqua à Valparaiso à cause d’une fièvre typhoïde sévissant à bord. Comme il dit venir de Lons-le-Saunier, le préposé à l’immigration crut qu’il s’appelait Lonsonier.

 

Ainsi débute une épopée familiale faite de rencontres et d’événements extraordinaires. En 1914, les fils des Lonsonier – Lazare, Robert et Charles – décident de traverser l’Atlantique dans l’autre sens pour venir se battre pour la France. Hélas, seul Lazare reviendra à Santiago, un poumon en moins, en décembre 1918.

 

Petit à petit, les rencontres se font avec tous les personnages du roman. Ce sont toujours des êtres hors du commun comme El Maestro, Etienne Lamarthe, venu de France avec une quantité d’instruments à vent et allant jusqu’à créer un orchestre symphonique  à Limache, dans la province de Maya Marga. Sa fille, Thérèse, épouse Lazare. Férue d’ornithologie, elle crée une impressionnante volière et accouche en public de Margot qui ne trouve le sommeil qu’au milieu des oiseaux.

 

Il y a aussi un sorcier Mapuche, Aukan, qui intervient de temps à autre pendant que Lazare monte une étonnante fabrique… d’hosties. Il est secondé par Hector Bracamonte qui avait essayé de le voler…

Au contact des oiseaux, Margot n’a qu’une idée en tête : les imiter. Elle construit un avion aidée par un nouveau personnage : Ilario Danovsky. Le temps passe. La Seconde guerre mondiale motive Margot et Ilario qui s’engagent dans les forces aériennes en Angleterre. Il y a aussi  un certain Helmut Drichmann, un fantôme bien réel et l’enfant de Margot qu’elle nomme Ilario Da en souvenir d’Ilario qui a disparu lors d’un combat aérien.

 

 

Au Chili, c’est l’effervescence. Les idées révolutionnaires émergent. Les débats sont animés. Ilario Da se passionne pour la politique. Enfin, Salvador Allende est élu en 1970 ! Le peuple chilien peut profiter des richesses du pays mieux partagées.

 

Hélas, la CIA et un certain Henry Kissinger poussent l’armée au coup d’État et commencent alors les pages les plus terribles du roman. Miguel Bonnefoy (photo ci-dessus) est d’un réalisme impressionnant pour faire ressentir l’oppression, l’emprise de la dictature, ses méthodes et ses tortures abominables. Comment des êtres humains, au Chili comme ailleurs, peuvent-ils infliger de pareils sévices à leur semblables ?

 

Tout cela est dénoncé et cela se répète encore mais en lisant ces lignes si bouleversantes, je pense à la chanson de Julos Beaucarne, « Lettre à Kissinger », qui rappelle que, dans le stade Chile, le 15 septembre 1973, des soldats ont tranché les doigts du chanteur et poète Victor Jara (photo ci-contre), à la hache. Malgré tout, il a entonné le chant de l’Unité populaire repris par tous les prisonniers entassés là.

 

 

D’autres artistes lui ont rendu hommage comme Los de Nadau, Michel Buhler, Pierre Chêne, Christy Moore, Jean Ferrat, Gilles Servat, U2… Je n’oublie pas Pablo Neruda et tant d’autres innocents martyrisés que le livre de Miguel Bonnefoy ramène à nos mémoires.

Jean-Paul

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ghislaine

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