Femme, Vie, Liberté

Femme, Vie, Liberté.  

Roman graphique dirigé par Marjane Satrapi.

 avec Farid Vahid, Jean-Pierre Perrin, Abbas Milani.

L’Iconoclaste (2023) 271 pages.

 

 

Femme, Vie, Liberté est un superbe roman graphique en soutien aux Iraniens.

 

Le 16 septembre 2022, en Iran, après avoir été arrêtée pour un voile mal ajusté, mourait sous les coups de la police des mœurs, Masha Jinâ Amini.

 

Son décès soulève alors une vague de protestations dans tout le pays et c’est le point de départ d’un mouvement féministe sans précédent, soutenu par les hommes.

 

Sophie de Sivry, l’âme des éditions de l’Iconoclaste et amie de Marjane Satrapi (photo ci-dessous) a souhaité faire quelque chose de concret pour rendre hommage à cette jeunesse iranienne.

 

Elle décide que le premier roman graphique de sa maison d’édition s’appellera Femme, Vie, Liberté, le slogan adopté par la foule iranienne, qui rallie les contestataires. Il paraît à quelques jours du premier anniversaire de la mort de Mahsa Jinâ Amini.

 

 

Sous la direction de Marjane Satrapi, autrice et réalisatrice, devenue célèbre avec la bande dessinée Persepolis, quatre dessinateurs iraniens et treize autres venant d’Europe et d’Amérique ont accepté de réaliser des bandes dessinées ou des illustrations à partir des textes ou des scénarios préparés par les experts que sont le politologue Farid Vahid, le reporter Jean-Pierre Perrin et le professeur historien Abbas Milani. Marjane Satrapi, quant à elle, a fait quelques dessins, la couverture (magnifique) et quelques textes.

 

 

 

C’est un ouvrage qui a deux vocations : expliquer ce qui se passe en Iran, décrypter les évènements et donner un signe aux Iraniens pour leur rappeler qu’ils ne sont pas seuls et que la société civile en Occident est engagée à leurs côtés.

 

Le résultat est un  livre collectif graphique puissant, moderne, très riche et très instructif, un livre extrêmement poignant.

 

 

La première partie « Les évènements »  raconte comment l’assassinat de Mahsa Amini a donné naissance à la première révolution féministe soutenue par les hommes de l’histoire,  comment est né le slogan Femme, Vie, Liberté, comment la chanson Barâyeh (« pour » en persan) composée par le jeune chanteur iranien Shervin Hajipour (photo ci-dessous), compilant des tweets sur les revendications des manifestants, est devenue virale, devenant l’hymne du mouvement et retrace les différents épisodes marquants de ce mouvement, puis la mobilisation des Iraniens et des Iraniennes, au risque d’être emprisonnés dans la prison d’Evin à la renommée sinistre et parfois au prix même de leur vie.

 

Une deuxième partie est intitulée « Un peu d’histoire », l’historique, afin de comprendre la complexité et la profondeur de ce qui se passe en Iran aujourd’hui, mais aussi le politique et le social.

 

À ce jour, l’ayatollah Khamenei est le guide suprême, le commandant en chef des forces armées et il détient la plus grande autorité légale et extra-légale pour contrôler et gouverner le pays. C’est de lui dont dépend le CGRI (Corps des Gardiens de la Révolution Islamique) qui, depuis quarante-quatre ans, arrête, torture et vole le peuple iranien.

 

L’Iran possède de nombreuses richesses naturelles mais aussi un système très corrompu qui contrôle tout.

 

 

Quant à la censure que ce soit au cinéma ou dans la littérature, on pourrait la qualifier de comique si elle n’était malheureusement pas aussi dramatique.
Le titre de la dernière partie « Un régime de fer… Un peuple qui résiste »,  résume à lui seul l’âme de ce roman graphique.

En effet, le peuple iranien, depuis plus de quatre décennies, résiste au régime de la République islamique qui essaie d’imposer sa loi.

 

 

Farid Vahid et l’illustratrice Bahareh Akrami brossent le portrait d’opposantes et opposants exécutés : absolument révoltant !

 

 

Si la république islamique interdit aux femmes de pratiquer le sport, mais également de soutenir des évènements sportifs, cela n’empêche pas les femmes iraniennes de braver cet interdit. C’est Jean-Pierre Perrin et les dessins de Coco qui mettent en scène cette chasse gardée et nous content l’histoire de « la fille bleue », Sahar Kodayari, qui elle aussi aimait le foot…

 

 

Mais l’espoir demeure, et pour les Iraniennes, l’art de la révolte est un combat quotidien qui se mène par  pleins de petits gestes interdits mais qui sont loin d’être anodins et de son côté la diaspora iranienne se bat pour faire savoir et réagir l’opinion publique et les autorités occidentales. Cet ouvrage remarquable se termine sur des mots d’optimisme prononcés par Marjane : « Mais ce régime va tomber. Le prochain soulèvement leur sera fatal. Ils ont fêté leurs 45 ans, ils n’iront pas jusqu’à 50. Il y a des choses qu’on ne peut pas arrêter. Comme une avalanche. »

 

 

Une situation politique iranienne sur le point d’exploser fait qu’un jour ou l’autre, ce régime va s’effondrer. Lentement ou rapidement. L’avenir le dira.

Des chapitres brefs, très explicites, facilement accessibles, des pages avec des dessins en noir et blanc, d’autres aux couleurs vives ou sombres composent ce roman graphique.

 

Photo ci-dessus : la sinistre prison d'Evin.

 

J’ai particulièrement apprécié la mise en image de la chanson Baraye, l’hymne de la révolte, par la graphiste Shabnam Adiban.

De même, j’ai trouvé originaux les deux petits personnages que rajoute Bahareh Akrami dans les planches qu’elle dessine. L’un, à son effigie, commente tandis que l’autre sous la forme d’un canard  plein de gouaille, permet de sortir du politiquement correct. De plus, elle joue avec les polices de caractère, leur taille, rendant le texte très visuel et très attractif.

 

Il est impossible de résumer tous les attraits et intérêts de ce livre plein d’espoir, tant il est dense, varié et ô combien d’actualité.

J’ai été émerveillée par le courage qu’on peut qualifier d’insensé, dont fait preuve cette jeunesse que rien n’effraie et qui après quarante ans d’oppression silencieuse, s’est soulevée. La voix des femmes s’est élevée, soutenue pour la première fois par l’ensemble des classes de la société.

 Il est tout à fait crucial et indispensable de ne pas laisser tomber ce combat dans l’oubli.

Je remercie  très sincèrement et chaleureusement les Éditions de L’Iconoclaste et PAGE des libraires, la revue qui booste vos envies de lecture pour ce beau cadeau !

Ghislaine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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M
Je connais en effet Marjane Satrapi depuis sa série de BD Persepolis. Je les avais tous acheté à l'époque pour le CDI où je travaillais. Les enseignants avaient même travaillé en classe dessus. Mais je n'avais pas vu passer ce livre collectif qui donne la parole aux femmes. Merci pour la découverte
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D
Là encore un bel outil de travail pour des collégiens-lycéens, mais pas que....
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