Michèle Rakotoson : Ambatomanga. Le silence et la douleur

Ambatomanga. Le silence et la douleur   par  Michèle Rakotoson.

Atelier des Nomades (2022) 267 pages.

Prix Orange du Livre en Afrique 2023.

 

 

Octobre 1894, la guerre menace, les Français s’apprêtent à envahir Madagascar comme dix ans plus tôt. Dans le village d’Ambatomanga, à une journée de marche d’Antananarivo, nous suivons Tavao, esclave qui  travaille pour une famille de notables malgaches. Inquiet, vivant dans la peur tenace d’une guerre imminente, il va bientôt se trouver dans l’obligation d’abandonner sa femme enceinte pour suivre, en tant qu’aide de camp, Randriambao, le fils aîné de son maître, nommé médecin des armées. 

 

Nous suivons également Félicien Le Guen. Avide d’aventures, il quitte sa Bretagne, après avoir passé sept ans en Algérie, pour rejoindre son contingent sur la Grande Île.

 

Bien que convaincu d’apporter le progrès à un pays arriéré avec une politique éclairée, il va assez rapidement être gagné par le doute pour finalement revenir de ses illusions.

 

 

C’est donc à travers le regard de cet esclave malgache, Tavao, et celui de ce jeune lieutenant français, Félicien Le Guen, à travers le destin croisé de ces deux personnages qui, on l’imagine finiront par se rencontrer, que Michèle Rakotoson nous raconte l’invasion de son île natale et l’absurdité de cette guerre coloniale.

 

Michèle Rakotoson sait parfaitement retranscrire l’angoisse vécue par le peuple malgache face à cet ennemi qui semble invincible. Replié dans le silence, ce peuple qui, dans les campagnes, ne sachant pas sur qui il pouvait compter est dans l’attente du malheur, s’adresse à ses dieux psalmodiant cantique sur cantique…

 

C’est la voix de Tavao qui exprime toute cette peur, ce silence, cette douleur, lui qui est pris en étau entre son désir de fuir ce pays qui n’est pas le sien pour être enfin libre et son devoir d’obéissance envers son maître.

 

 

 

Félicien Le Guen, quant à lui, obéissant aux ordres de sa hiérarchie se doit de donner l’assaut en pleine saison des pluies, sous une chaleur moite et brûlante. Il va avec ses soldats traverser des forêts et des zones marécageuses infestées de moustiques. Les maladies déciment l’armée française mais avec leurs armes beaucoup plus performantes, les affrontements entre les deux camps se terminent en véritable boucherie.

 

 

C’est le cri des victimes de la guerre coloniale à Madagascar que nous donne à entendre l’auteure tout au long du roman.

 

 

Elle nous fait entrer également dans les traditions de ce peuple malgache lorsqu’elle narre,  par exemple, ce conseil de famille que réunit le maître Ingahy lors de la convocation de son fils Randriambao.

 

 

Autre moment fort que j’ai trouvé particulièrement intéressant est la scène où un boa qui se prélassait à l’entrée du camp est abattu à la carabine par un brigadier. Sont mis alors en face à face les militaires qui ne voient en l’animal qu’un superbe trophée  et le prix qu’ils pourront en tirer et les militaires malgaches ainsi que les autres militaires africains qui voient en l’animal un esprit qui les attendait, un ami maintenant mort…

 

 

Ce roman m’a permis de faire connaissance avec un pan de l’histoire coloniale française sur lequel, j’ose l’avouer, j’avais eu peu d’informations.

 

 

J’ai apprécié ce roman qui, tout en faisant le procès de la colonisation, s’attache à décrypter les sentiments, les peurs, les questionnements des petits et des vaincus…

 

 

Seules la trop grande lenteur du déroulement et la répétition des prières et cantiques adressés aux dieux alors que le peuple se sentait abandonné ont un peu freiné mon enthousiasme…

 

 

Ambatomanga – Le silence et la douleur- de Michèle Rakotoson, écrivaine et dramaturge, s’est vu attribué le Prix Orange du Livre en Afrique 2023, prix destiné à donner de l’écho aux nouvelles voix africaines, un prix amplement mérité !

 

 

Un grand merci à Lecteurs.com et aux éditions Atelier des Nomades pour cette fort belle découverte !

 

Ghislaine

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M
Un livre qui me semble tout à fait intéressant pour mieux comprendre les traditions et l'histoire de Madagascar car je réalise en te lisant que je ne sais pas grand chose. Merci pour cette chronique, je vois qu'en plus il a reçu un Prix littéraire. Cela me permettrait de connaître aussi cet auteur d'origine malgache
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