Honorée Fanonne Jeffers : Les Chants d'amour de Wood Place

Les Chants d’amour de Wood Place    par  Honorée Fanonne Jeffers.

Traduit de l’anglais (USA) par Emmanuelle et Philippe Aronson.

Titre original : The Love Songs of W.E.B. Du Bois.

Les Escales (2023) 904 pages.

 

Rentrée littéraire 2023.

 

 

Véritable pavé que le roman Les Chants d’amour de Wood Place de Honorée Fanonne Jeffers ! Pas moins de 900 pages composent ce roman féministe noir dont l’histoire de l’esclavage constitue la colonne vertébrale.

 

 

S’il m’a paru un peu ardu au départ de me plonger dans sa lecture, bien vite, j’ai été happée par ce roman absolument bouleversant et combien instructif !

 

 

Ce sont les histoires de la lignée d’une femme que l’autrice nous conte de l’esclavage à nos jours. Par l’intermédiaire d’Ailey qui passe chaque été ses vacances  dans la petite ville de Chicasetta en Géorgie, berceau de la famille de sa mère, terres où ses ancêtres esclaves venus d’Afrique se sont établis, des terres qui avaient été volées aux Amérindiens.

 

 

Pour conquérir sa propre identité, la brillante Ailey va se plonger dans le passé de sa famille, une histoire d’oppression et de résistance, de servitude et d’indépendance, de cruauté et de résilience, offrant au lecteur  une fresque historique magistrale.

 

 

Honorée Fanonne Jeffers alterne les passages historiques retraçant la vie des ancêtres d’Ailey, à la manière d’une conteuse,  avec la propre vie de cette dernière, dans un style s’apparentant cette fois,  plus à un compte-rendu.

 

À noter que tous les chapitres du roman sont introduits par une citation de différents ouvrages de W. E. B. Du Bois, cet homme qui a voué sa vie à ses congénères Afro-Américains.

 

 

Honorée Fanonne Jeffers relate l’intrusion de l’homme blanc chez les Creeks, la saisie de leurs terres, leur expulsion, l’arrivée sur des navires anglais de ces Africains réduits en esclavage, maltraités, humiliés, torturés et qui jamais ne retourneraient chez eux. Si ces esclaves étaient classés par catégories en fonction des tâches qu’ils savaient accomplir, il y avait également une autre sorte d’esclaves désignés comme « aptes au travail de maison ». Des femmes qui servaient aux besoins de la chambre à coucher tout comme leurs filles, même petites, utilisées également par les hommes blancs. Ces hommes assouvissaient ainsi leurs plus bas instincts en toute légalité !

 

 

Lorsqu’on lit de tels passages, il est nécessaire de s’accrocher et de serrer les dents, et l’on peine à croire que cela ait pu exister…

 

L’auteure rappelle qu’il faudra attendre l’arrêt Brown, en 1954 pour mettre un terme à la ségrégation dans les établissements scolaires mais pour autant tout ne changera pas aussitôt.

 

 

En 1960, les journaux parlèrent de Ruby Bridges, la première petite fille afro-américaine, à intégrer une école pour enfants blancs en Louisiane, escortée par la police fédérale, les ségrégationnistes se comportant comme si Ruby était un animal dangereux, elle avait six ans !

 

Sont évoquées également les émeutes et les mutations qui ont suivi l’assassinat du Dr King au printemps 1968.

 

 

Une multitude de sentiments m’ont envahie au cours de ma lecture. Tout d’abord, une profonde aversion et un dégoût immense pour ces êtres dont la seule ambition était la possession  de territoires, de plantations, de résidences et, comme cela a été le cas d’autres êtres humains, ces derniers faisant partie de leur patrimoine, contribuant à l’enrichir. Quant à la souffrance, la détresse et les supplices qu’ont endurés ces Amérindiens-Africains, il est bien difficile pour ne pas dire impossible de se mettre à leur place, tant la cupidité, la cruauté et l’inhumanité à laquelle ils ont été confrontés dépassent toute imagination.

 

 

La trajectoire intellectuelle d’Ailey, cette jeune féministe noire m’a profondément intéressée et subjuguée. Son caractère affirmé, l’amour pour ses proches, le respect qu’elle a pour les anciens et surtout le courage et la force qui l’animent au cours de ses études sont remarquables.  Être la première doctorante noire dans une université blanche est pour le moins une belle gageure et les doutes peuvent surgir. J’ai éprouvé beaucoup d’empathie pour la Dr Oludara et l’oncle Root, soutiens efficaces d’Ailey.

 

 

La discrimination basée sur le teint de la peau au sein même des communautés africaines-américaines, avec des  bénéfices associés, entre autres, à un physique se rapprochant des blancs m’a  assez étonnée.

 

 

Soixante ans après la marche de Washington pour les droits civiques des personnes noires, le 28 août 1963, le message du discours de Martin Luther King « I have a dream » résonne toujours à nos oreilles...

 

 

Pas étonnant que Les Chants d’amour de Wood Place de Honorée Fanonne Jeffers (photo ci-dessous) ait été lauréat du National Book Critics car il est un premier roman d’une grande maîtrise, même si parfois l’entrelacement des lignées m’a un peu embrouillée.

 

 

 

 

 

Je remercie Les éditions Les Escales et Babelio pour m’avoir permis de découvrir cette fresque historique poignante et bouleversante qui pourrait bien faire référence désormais.

 

 

Ghislaine

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