Pascale Robert-Diard : La petite menteuse

La petite menteuse    par   Pascale Robert-Diard.

L’Iconoclaste (2022) 216 pages.

 

 

Quand l’avocate Alice Keridreux, la cinquantaine, reçoit à son cabinet Lisa Charvet et lui demande « Dites-moi ce qui vous amène »,  Lisa répond « je voudrais être défendue par une femme ».

 

 

La jeune femme âgée d’à peine 20 ans a été victime d’un viol cinq ans plus tôt. Au procès, l’accusé avait pris dix ans  et avait fait appel. Le nouveau procès doit se tenir dans quatre mois.

 

 

Devenue étudiante en horticulture, Lisa souhaite donc que ce soit Alice qui la représente cette fois.

 

L’avocate va alors récupérer et prendre connaissance du dossier.

 

 

Un face-à-face commence et Lisa va finir par avouer à Alice qu’elle a menti « pour se sortir de toute la merde dans laquelle  elle était », piégée un peu aussi par les adultes.  Si elle est venue voir l’avocate, c’est pour être entendue et aidée, aidée à déposer cet immense fardeau qu’elle a endossé en mentant.

 

 

L’avocate va au fil des entrevues avec Lisa comprendre les raisons qui ont été à l’origine de ce mensonge qui a conduit un innocent en prison et comment prise dans un engrenage, Lisa, cette enfant de quinze ans au moment des faits s’est enlisée dans ses déclarations, et n’a pas su s’en dégager.

 

 

Avec ce roman La petite menteuse, Pascale Robert-Diard (photo ci-contre), romancière et chroniqueuse judiciaire au Monde depuis vingt ans, touche à  un problème quasiment tabou à l’ère de MeToo, celui du doute de la parole féminine en posant cette question : Doit-on croire sur parole une femme plaignante sans faire un véritable travail d’enquête ?

 

 

Elle évoque également la difficulté à défendre une personne qui a menti, tout en mettant en exergue ce que peut être la fragilité de l’adolescence.

 

 

 

L’auteure nous offre des portraits psychologiques absolument saisissants : en tout premier lieu celui de cette avocate dont on suit pas à pas les atermoiements, mais aussi celui de Lisa, cette adolescente de 15 ans  dépassée par ce qui lui arrive, puis porteuse d’un secret jusqu’à ce procès en appel. Les personnages secondaires sont brossés avec tout autant de talent, que ce soient les garçons du collège, les professeurs, le principal ou encore celui qui, malgré toutes ses dénégations a été jugé coupable, sans preuves, sur de seules affirmations.

 

 

Pascale Robert-Diard mentionne d’ailleurs les erreurs judiciaires qui ont déjà eu lieu, comme celle d’Outreau, sans cependant la nommer, faisant dire à l’un des accusés l’impuissance à prouver son innocence quand on est accusé de viol par un mineur. Elle montre  combien il est important de ne pas se fier seulement à ses convictions et à ses certitudes et qu’il faut avant tout écouter, vérifier,  ne pas se fier qu’aux apparences, qu’un travail d’enquête sérieusement mené et non basé sur une intime conviction est une absolue nécessité.

 

 

À lire ce roman basé sur la grande expérience de cette chroniqueuse judiciaire qu’est  Pascale Robert-Diard, on peut aisément en déduire que certains n’ont pas eu la chance de Marco et ont pu faire les frais de décisions hâtives, incapables de faire admettre leur innocence. Il faut reconnaître également dans cette fiction le courage étonnant et la grande force dont a dû faire preuve Lisa pour revenir sur ses affirmations, s’exposant à être attaquée, jugée et condamnée et bien entendu la grande valeur de cette avocate qui a osé mettre en péril sa carrière en défendant une victime qui a menti.

 

 

Tenue en haleine du début à la fin,  j’ai lu La petite menteuse quasiment en apnée tant ce roman est poignant et captivant par toutes les questions qu’il soulève. La sobriété, la justesse de ton, la sensibilité et l’humanité restent les points forts de ce livre qui est pour moi un vrai coup de cœur.

Ghislaine

 

 

 

 

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M
C'est un roman que j'ai noté pour le lire. Bien entendu qu'il faut mener une enquête même si la parole doit être entendue, quelle qu'elle soit car cela n'a pas été le cas pendant des décennies, pour ne pas dire des siècles et donc il faut que les femmes puissent s'exprimer librement. Merci pour ce ressenti très intéressant. Bon week-end
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D
Encore un roman que j'ai très envie de découvrir !
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D
Fonce ! Il est super!
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