Éric Cherrière : Gamine Guerrière Sauvage

Gamine Guerrière Sauvage      par   Éric Cherrière.

Plon (2021) 309 pages.

 

 

 

En introduction des trois parties qui composent le roman, un chapitre court mais édifiant nous met en présence de la narratrice Maud que l’on devine être la « gamine guerrière sauvage ». Les sentences émises par son grand-père, lors de l’enterrement auquel il l’a emmenée, leçons de vie qu’il n’a pas su faire entrer dans la tête du père de Maud ne seront pas oubliées par celle-ci et rythmeront en quelque sorte sa vie.

 

« La vie, c’est comme la guerre, ma petite Maud, les seuls vainqueurs sont ceux qui survivent. »

 

«  N’oublie pas, ma petite Maud : il n’y a ni bonnes ni mauvaises armes. Au bout du compte, une seule chose importe. Rendre les coups. »

 

Maud est née le 11 septembre 2001, une date restée dans toutes les mémoires. Elle vit à Tulle dont elle connaît le passé historique : le massacre du 9 juin 1944 et les quatre-vingt-dix-neuf pendus. Son père, ex-champion d’athlétisme est employé à la Fabrique d’armes. Sa mère, ex championne de bodybuilding est agent de sécurité au centre commercial et donne  des cours à l’Athéna Fitness club chaque vendredi soir pour arrondir les fins de mois. Son frère Alban, qu’elle adore, plus jeune qu’elle d’un an fait du cross, coaché par son père. Il se bat du mieux qu’il peut, contre ses adversaires, « contre lui-même et contre le poids que font peser sur ses épaules les échecs de notre père ».

 

Maud a une main morte, la main droite, tranchée au niveau du poignet et porte une prothèse : sujet tabou à la maison, aucune réponse à ses questions.

 

Très intelligente, elle tente de trouver sur Internet les réponses refusées par ses parents sur l’origine de ses blessures et voyage depuis des années, la nuit, dans la nasse des réseaux. « Grâce à des logiciels aussi performants qu’illégaux, je suis passée reine dans l’art d’être intraçable ».

 

il faut ajouter l’octroi de sa Majesté la reine de Norvège à son arrière-grand-père Alban de la concession d’une parcelle de 1 kilomètre carré sur l’inlandsis de l’Antarctique  en remerciement « d’inestimables services rendus au royaume et au peuple de Norvège, au péril de sa vie, au sacrifice de ses mains ».

 

Cette quasi double vie, celle vécue au sein de cette famille certes modeste mais aimante et l’autre, celle vécue via les réseaux sociaux qui compense les manques aurait pu continuer ainsi, si un événement ou plutôt un délit mineur commis par l’un des membres de la famille n’était pas venu les  jeter dans la précarité et donner à Maud la presque obligation pour elle d’intervenir pour les sortir de la misère. Cet élément déclencheur sera la source d’un bouleversement complet et irréversible dans les habitudes de vie de la famille.

 

À eux seuls, les trois mots qui composent le titre : Gamine Guerrière Sauvage décrivent absolument bien cette Maud confrontée au monde et superbement représentée sur la couverture du livre. Quel portrait magnifique et vivant de cette enfant du siècle nous a brossé Éric Cherrière, cet auteur déjà primé ou nominé pour d’autres romans et également réalisateur-scénariste !

 

Il montre comment une enfant blessée et trompée par la société peut se rebeller et devenir une véritable guerrière pour faire face aux inégalités sociales, s’affranchir des codes sociaux et du déterminisme social, pour pouvoir vivre libre. Il décrypte très bien l’engrenage dans lequel un être peut tomber avec la quasi impossibilité de retour en arrière.

 

C’est avec beaucoup de crédibilité qu’il révèle le rôle immense que peuvent jouer les réseaux sociaux dans la vie des jeunes d’aujourd’hui et le pouvoir que peuvent arriver à détenir ces surdoués de l’informatique s’ils deviennent hackers.

 

Il n’oublie pas de mentionner les marchands d’armes, les paradis fiscaux et ce double rôle que peuvent jouer certains politiques ou  personnages importants paradant avec une façade très humaniste derrière laquelle se cache un tout autre visage où l’argent se révèle être leur seule préoccupation.

 

Avec ce thriller, Éric Cherrière (photo ci-contre et ci-dessus) nous embarque dans un grand périple, nous emmenant jusqu’à la Cour pénale internationale de La Haye non sans nous nous avoir fait rêver à ces étendues glacées de l’Antarctique. Une tension et une angoisse latente sont présentes dès le début et ne feront que s’amplifier pour atteindre de grands sommets… Néanmoins, l’amitié et l’amour tout aussi présents, sans oublier le franc-parler savoureux du grand-père, une fine poésie et une touche de merveilleux, nous permettent de supporter  l’enchaînement des situations jusqu’à un dénouement plutôt imprévu.

 

C’est un roman très fort, très contemporain, politique et social mais avant tout un roman psychologique très maîtrisé qui m’a enthousiasmé par son originalité et qui pose brillamment la question du déterminisme social. C’est également un récit qui interpelle violemment.

 

Si j’ai pu découvrir ce brillant auteur et ce thriller passionnant, c’est grâce aux éditions Plon et à Babelio que je remercie très sincèrement pour m’avoir donné cette chance d’être sélectionnée pour intégrer les experts polar de ces mêmes éditions.

 

Ghislaine

 

 

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