III. Correspondances de Manosque 2021

III. Correspondances de Manosque 2021.

 

23ème édition : Parrainée par Emmanuel Guibert.

Vendredi 24 septembre

 

Aujourd’hui, il faut se rendre au centre-ville dès le matin car le lancement du prix littéraire des adolescents du département va nous permettre de retrouver une autrice que nous aimons bien : Maryam Madjidi.

 

Maryam Madjidi, Pour que je m’aime encore :

 

En 2017, avec Marx et la poupée (Goncourt du Premier roman), Maryam Madjidi (photos ci-dessous) nous avait agréablement surpris. La revoilà avec Pour que je m’aime encore, présentée par Élodie Karaki, sur la place Marcel Pagnol.

 

Née à Téhéran en 1980, elle a vécu là-bas jusqu’à l’âge de six ans avant d’arriver en France avec ses parents, militants communistes, fuyant la dictature religieuse. Elle qui enseigne aujourd’hui le français à des primo-arrivants, raconte dans son livre ses problèmes d’adolescente en lutte contre son corps qu’elle trouve laid, contre cette pilosité envahissante et surtout contre ses « cheveux de métèque » qu’il faut lisser afin de gommer son origine. Elle veut paraître une parfaite petite française.

 

 

Si ses souvenirs font sourire aujourd’hui, ce ne fut pas drôle pour Maryam partant en classe de neige alors que ses parents ne savaient pas du tout comment l’équiper. Et puis, il y a Drancy, sa ville. Dans Pour que je m’aime encore elle s’adresse à elle et ces passages sont en italiques.

 

 

Sans cesse en bute aux inégalités sociales, elle se forge une conscience politique grâce à la littérature, se définissant comme « une communiste du savoir pour partager avec les autres en ZEP (zone d’éducation prioritaire). »

Revenant à son adolescence, elle précise que c’est au lycée qu’elle a trouvé son style. Elle était la baba-cool de la bande. Elle se trouve jolie et s’accepte enfin ! La suite du débat est très intéressante avec les questions des lycéens présents puis elle nous confie être revenue vivre à Drancy après avoir vécu à Pékin, Istanbul et Paris. C’est là qu’elle écrit, au cinquième étage.

 

Karaoké littéraire :

 

Ce n’était pas prévu dans notre programme mais lorsque nous revenons, l’après-midi, place Marcel Pagnol, voilà que nous découvrons une activité fort intéressante : le karaoké littéraire.

 

C’est fort bien mené par le comédien-animateur Raphaël France-Kullmann et illustré musicalement par le talentueux Olivier Vauquelin qui passe de la contrebasse aux clochettes ou à la scie musicale. Des textes sont là, tout prêts. L’animateur demande une ou un volontaire, choisit un texte et la personne montée sur scène doit le lire après avoir sélectionné deux mots qui permettront à Olivier Vauquelin d’accompagner la lecture, en musique.

 

Mila, Michèle, Stilia, Pierre, Brigitte ou encore Souleyman et Cynthia, entre autres, se succèdent sur scène et le résultat est souvent étonnant. En prime, l’animateur demande si, dans le public, on a reconnu l’auteur car la plupart des textes sont des auteurs invités aux Correspondances 2021. Belle initiative !

 

 

Christine Montalbetti, Ce que c’est qu’une existence

et Christophe Boltanski, Les vies de Jacob :

 

Voilà Sophie Joubert avec deux écrivains, tâche peu facile qu’elle mène avec tact et équilibre.

Christine Montalbetti (photo ci-dessous), nous la découvrons ce jour avec un roman choral mettant en scène six personnes. Pour elle, son livre est une rencontre intime avec le lecteur. Elle met en balance le temps court d’une journée et le temps long d’une existence d’où le titre : Ce que c’est qu’une existence.

 

Elle aborde ainsi les thèmes touchant la guerre, les migrants. C’est un jeu entre immobilisme et mouvement et ce livre pose beaucoup de questions essentielles.

 

Nous retrouvons Christophe Boltanski à Manosque après l’avoir lu et apprécié dans La cache (Prix Femina 2015) puis Le guetteur. Pour cette rentrée littéraire, il publie Les vies de Jacob en partant d’un album photos d’un homme, Jacob, qui collectionnait les clichés le représentant : 359 photomatons !

 

Jacob a eu plusieurs vies successives et l’auteur le définit comme un Ulysse moderne puisqu’il s’est déplacé dans tous les pays entourant la Méditerranée. Pourtant, durant les quinze dernières années de sa vie, il s’est dévoué au consistoire israélite pour accompagner les morts, sacrifiant tout pour ce travail. La vie de cet homme pose beaucoup de questions, les recherches menées par Christophe Boltanski (photo ci-contre) ont appris beaucoup de choses aux enfants de Jacob qui ont fait totalement confiance à l’auteur, acceptant même que leur nom de famille figure dans le livre. Le plus étonnant, c’est que cet homme avait demandé qu’en cas d’accident, soit contacté le Consulat d’Israël à Paris. Était-il un espion ? La question est posée.

 

Nathacha Appanah, Rien ne t’appartient :

 

Quand nous avons lu Tropique de la violence, ce fut une découverte terrible et passionnante à la fois sur le sort des habitants de l’île de Mayotte. Aussi, nous avons enchaîné avec Le ciel par-dessus le toit, un roman émouvant et bouleversant montrant le fossé qui peut se creuser entre les générations. Alors, il ne fallait pas manquer la présentation faite par Maya Michalon, place Marcel Pagnol, du dernier roman de Nathacha Appanah : Rien ne t’appartient.

 

Tara qui signifie l’étoile, ne s’appelait pas ainsi à la naissance mais Vijaya, la victoire (sur l’obscurantisme). Justement, durant les treize premières années de sa vie, quand elle s’appelait Vijaya, elle a vécu dans une liberté totale puis fut enfermée dans un refuge pour jeunes filles pas comme les autres. C’est là que la directrice lui dit : « Rien ne t’appartient ici. » Cela se passe au Sri Lanka et Nathacha Appanah (photo ci-contre) ne cache pas qu’elle a puisé dans ses souvenirs d’enfant à l’île Maurice pour engager physiquement son lecteur et produire un roman sensuel.

 

Emmanuelle Salasc, Hors gel et Thomas B. Reverdy, Climax :

 

Nous voici maintenant place de l’Hôtel de ville où Yann Nicol nous présente deux livres ayant des points communs touchant à l’avenir de notre planète au travers des catastrophes climatiques.

 

Avec Emmanuelle Salasc (photo ci-contre), voici encore une belle découverte comme les Correspondances de Manosque nous en réservent chaque année. Hors gel fait un petit saut dans le temps, se passe en 2056, en montagne, où deux sœurs jumelles se retrouvent. Le glacier, au-dessus de leur domicile, contient une énorme poche d’eau qui menace de tout emporter. Emmanuelle Salasc a basé son roman sur la catastrophe de Saint-Gervais, à la fin du XIXe siècle. Une des sœurs, Clémence, qui avait disparu depuis longtemps est revenue. Elle fascine mais elle fait peur à sa jumelle, Lucie, qui s’occupe de leur mère placée dans un établissement. Malgré le danger qui menace de plus en plus, ces deux sœurs restent là, ce qui se passe la plupart du temps, et ne manque pas de nous interroger.

 

Thomas B. Reverdy, nous le retrouvons après L’hiver du mécontentement (Prix Interallié 2018) qui nous emmenait outre-Manche. Cette fois, avec Climax, c’est en Norvège, dans un village du nord du pays que l’histoire se passe. Des plates-formes pétrolières font planer un danger réel après une explosion non expliquée. Noah, géologue,  revient dans son village et retrouve Ana, un amour de jeunesse. Le récent rapport du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) nous alerte sur cette catastrophe climatique qui nous pend au nez. Noah, revenu pour appliquer les consignes de sa compagnie pétrolière se confronte à Anders, lanceur d’alerte qui tente de faire réagir les gens. Climax est un roman qui doit nous faire réagir !

 

Maylis de Kerangal. Lecture musicale de Canoés

avec Cascadeur et Médéric Collignon :

 

Quelle soirée ! Dans ce théâtre Jean- le-Bleu comble à nouveau, voici, sur scène, une autrice déjà appréciée avec Naissance d’un pont (2010), Réparer les vivants (Prix Orange du livre 2014) et Un monde à portée de main (2019) : Maylis de Kérangal (photo-contre).

 

Au lieu de nous parler de son dernier, livre, Canoés, elle a choisir de donner vie à ses textes en les disant, sur scène, accompagnée par deux super musiciens. Cascadeur (photo ci-dessous) est au piano et au chant, d’un côté de la scène, et Médéric Collignon (photo ci-dessous) se déchaîne à la trompette sans négliger une performance vocale étonnante.

Dès que Maylis de Kérangal commence, nous sommes accrochés, captivés car c’est vivant, passionnant et d’une expression saisissante. Du dentiste au répondeur dont il faut effacer la voix de la mère décédée depuis cinq ans sans oublier le bac réussi et bien fêté, la salle est conquise. Tout se termine en apothéose lorsque Maylis de Kérangal nous invite à lancer le cri primal, à retrouver nos racines animales pour pousser des ouh ! ouh ! du plus bel effet. Que ça fait du bien !

 

Le lendemain soir, après la lecture musicale des textes d’Albert Camus par Pierre Baux, nous avons eu la surprise de rencontrer Maylis de Kerangal, assise dans la salle et nous avons pu lui adresser directement nos félicitations pour sa performance sur scène. Elle était ravie et son sourire nous a fait chaud au cœur.

 

Ghislaine et Jean- Paul

 

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