IV. Correspondances de Manosque 2023

IV. Correspondances de Manosque 2023

25^ème édition

Samedi 23 septembre.

C’est un rendez-vous attendu et apprécié : le quart d’heure de « Silence on lit ! »

Depuis 2017, les Correspondances de Manosque permettent à l’association « Silence on lit ! »  de se faire connaître. Aussi, l’intervention de deux de ses responsables, avant ce précieux moment de lecture silencieuse, est toujours très intéressante. Le but de « Silence on lit ! » est de remettre la lecture au cœur de la vie de tous et il faut bien reconnaître qu’il y a du travail alors que partout où cela est lancé, c’est très apprécié. Le Président de « Silence on lit ! » cite Malcom X, Gaël Faye, Alberto Manguel, Michel Demurger qui ont été sauvés par la lecture ou qui dressent un constat alarmant. Il s’avère que 90 % des collégiens ne lisent pas quotidiennement, qu’un tiers des étudiants n’a pas lu un livre dans l’année et que, 28 % des collégiens pensent que lire est une perte de temps…

De son côté, une bénévole de l’association qui connaît bien le secteur des entreprises, constate que la lecture améliore la plasticité des cerveaux et fait baisser le stress, favorisant aussi le travail en équipe. Une personne qui lit régulièrement, s’exprime plus facilement, est davantage concentrée et se révèle largement plus compréhensive. C’est pourquoi la lecture en entreprise, ce fameux quart d’heure quotidien, se développe aussi et donne des résultats très positifs.

C’était donc le moment de passer à l’action, d’ouvrir son livre et de lire… même si l’ensemble des personnes présentes sur la Place de l’Hôtel de Ville, cet après-midi-là, ne respectait pas totalement le silence indispensable pour cette lecture qui favorise l’apaisement général dont nous avons tant besoin.

Après la bonne surprise de la veille dans le quotidien La Provence, voici un nouvel article qui nous fait chaud au cœur : « La cheffe d’orchestre d’une vingtaine de bénévoles »… et c’est de Gwenaëlle Bouvier qu’il s’agit, celle que nous appelons Gwen et que nous voyons super active chaque jour pour que tout se passe bien. Après Maëlle la veille, cet article mettant Gwen en valeur est amplement mérité et nous fait bien plaisir.

Éric Reinhardt « Sarah, Susanne et l’écrivain » (Gallimard)

Depuis « Comédies françaises », nous avions un peu oublié Éric Reinhardt et c’est heureux que Les Correspondances de Manosque nous permettent de le retrouver, avec Yann Nicol à la présentation et aux questions.

Dans « Sarah, Susanne et l’écrivain », c’est Sarah qui confie son histoire à un homme pour qu’il l’écrive en prenant Susanne comme avatar. Si l’environnement familial de Sarah semble idyllique, humiliations, asservissement, aliénation sont sous-jacents.

Utilisant un style indirect libre, Éric Reinhardt a pu rendre l’histoire plus percutante, plus singulière. Sarah et Susanne, cheminent ensemble. Ces deux femmes ne sont pas tout à fait les mêmes, sont différentes, fusionnent parfois puis s’écartent. Au service de l’histoire, l’écrivain prend de plus en plus de place car l’auteur a écrit à partir du témoignage d’une lectrice.

Éric Reinhardt conte cette descente aux enfers dans une grande allégresse. Quand il commence un livre, il sait toujours où il va, connaît le dénouement. Il veut faire apparaître des images au lecteur. Quand Susanne demande à son mari de rééquilibrer leur couple parce que ce dernier possède 75 % de la maison et elle seulement 25 %, celui-ci ne le fait pas. Elle décide alors de briser leur mariage alors que tout semble aller bien. Leurs enfants ne comprennent pas et nous voilà partis vers deux issues : la fiction pour Susanne et la réalité pour Sarah.

À nous de juger…

Agnès Desarthe « Le Château des rentiers » (L’Olivier)

Nous avions abandonné Agnès Desarthe, le dimanche 21 septembre 2021, les cheveux trempés, après l’orage. Cette fois-ci, la revoilà, avec Maya Michalon, pour nous parler de son nouveau roman, « Le Château des rentiers » et le ciel est tout bleu !

Décidée à écrire un livre sur les vieux et un livre marrant, elle est motivée par sa grand-mère qui, décédée, lui apparaît encore lorsqu’elle fait la vaisselle !

Ses grands-parents vivaient rue du Château des rentiers, à Paris, dans le 13^e arrondissement, au sein d’une communauté, un phalanstère où la jeune Agnès venait leur rendre visite.

Tout simplement, en écrivant, les images revenaient et l’autrice a su habilement mêler vrais souvenirs et souvenirs fabriqués comme le font tous les écrivains car la mémoire est déjà une écriture.

Elle pose la question : est-ce qu’on a le droit de parler de ce qu’on ne connaît pas ? Pour elle, la réponse est : oui. Elle utilise le témoignage de l’extermination des Juifs d’Europe centrale, le cas limite qui lui permet de donner à ses grands-parents le droit de s’exprimer en y ajoutant un chœur de personnes âgées plus des dialogues avec elle-même et avec sa mère.

Finalement, « Le Château des rentiers » est un travail de mémoire qui ne peut que nous ouvrir les yeux.           

Thomas B. Reverdy « Le Grand Secours » (Flammarion)

Au moment où nous écrivons ces lignes, nous pensons au drame qui s’est produit devant le Lycée Gambetta, à Arras, car, dans « Le Grand Secours », Thomas B. Reverdy nous plonge dans le quotidien d’un lycée de Bondy (Seine-Saint-Denis). Le corps enseignant, les élèves, tout cela forme un microcosme sociétal, romanesque que l’auteur connaît bien.

Ce lundi 16 octobre 2023, il faut penser à Samuel Paty, à Agnès Lassalle, à Dominique Bernard et à  tous les enseignants, qui, devant leurs élèves, tentent de parler de ce qui s’est passé, tâche ô combien difficile et pourtant indispensable !

Voulant rendre justice aux profs, à la dimension sociale de leur travail et à leur engagement, l'auteur revient au réel dans ce cauchemar urbain, laid et fascinant à la fois. Yann Nicol anime la discussion et Thomas B. Reverdy donne des exemples, confie son vécu, parle de comédie humaine.

Au petit matin, chacun est dans son appartement, puis se rend au lycée. Il y a Paul, l’écrivain, qui prend le métro depuis Paris, pour une intervention au lycée, et Candice, prof de théâtre, qui vient à vélo. Cette dernière tente de transmettre une culture pour permettre à ses élèves de s’émanciper mais les rapports à la violence, au communautarisme, s’invitent rapidement.

Quand, près du lycée, une altercation se produit, un flic en civil intervient et met une raclée à un jeune d’origine maghrébine. Mo, élève de seconde, bon élève qui vient d’un quartier pourri, est amoureux de Sarah. Il lui écrit un poème mais elle l’envoie promener. C’est lui qui a pris une photo de l’altercation et cela a déclenché l’émeute. Thomas B. Reverdy se pose la question : faut-il sauver le personnage ?

Les profs, en A.G., se demandent s’il faut faire grève. Les syndicalistes interviennent tandis que Paul, le poète, garde foi en la littérature. Candice, quant à elle,  se défend avec du théâtre, le spectacle vivant.

« Le Grand Secours » est un roman choral qui plonge dans la réalité, pose des questions très concrètes sans apporter des solutions toutes faites mais Thomas B. Reverdy fait bien de nous apporter son vécu au travers d’une fiction. Il nous avait déjà bien captivés avec L’Hiver du mécontentement et Climax.                                      

Ghislaine et Jean-Paul

Comments

[manou]

Que de belles rencontres encore aujourd'hui et des titres que j'ai noté déjà et que je lirai un jour c'est certain. J'aime beaucoup l'idée de créer ce temps de lecture dans le cadre de "Silence, on lit !". Toute ma vie professionnelle je me suis battue pour faire lire les enfants de tous âges et ma foi chaque opération, animation, rencontre peut donner envie de lire. Il est triste de constater que la lecture sur un écran prend toute la place, mais je le vois pour beaucoup de jeunes adultes de mon entourage, lorsqu'ils ont aimé lire quand il était jeune, ils reviennent plus tard vers les livres...Il faut garder espoir.

[Dominique Sudre]

ahhhh Manosque un jour, Manosque toujours ! enfin, j'espère !

[Jean-Paul DEGACHE]

Nous aussi !!!