V. Correspondances de Manosque 2023

V. Correspondances de Manosque 2023.

25ème édition.

Dimanche 24 septembre.

 

 

 

Le dimanche est là et c’est donc le dernier jour de ces Correspondances de Manosque 2023. Par bonheur, notre programme est alléchant avec Mathias Enard, Caryl Férey et Maria Pourchet. Hélas, nous avons appris, la veille, que l’autrice de « Feu », roman qu’elle était venue présenter à Manosque en 2021, ne sera pas là pour nous donner envie de lire « Western », publié pour cette rentrée littéraire.

 

Cela est regrettable mais nous trouvons tout de suite une solution de remplacement car Fabrice Caro et Laurent Delaygue seront bien place Marcel Pagnol à l’heure prévue pour Maria Pourchet. Seule incertitude, trouverons-nous une place assise ?

 

Mathias Enard « Déserter » (Actes Sud)

 

 

Retrouver Mathias Enard est un vrai plaisir car cet auteur récompensé par le Prix Goncourt 2015 pour Boussole et dont nous avons lu aussi Rue des voleurs, passionne toujours, même s’il n’est pas vraiment facile à lire.

 

 

Cette fois-ci, il a fallu gagner la place de l’Hôtel de Ville le matin, passer une  nouvelle fois avec émotion devant la modeste maison où Jean Giono a grandi, pour écouter Yann Nicol présenter Mathias Enard et son nouveau roman : « Déserter ». Avec deux axes narratifs, Paul et un soldat dont on ne connaît pas le nom, l’auteur plonge dans l’histoire du XXe siècle avec un passage au XXIe d’un point de vue plus humain. D’ailleurs il avoue que son écriture a été percutée par le retour récent de la guerre en Europe.

 

C’est Irina, sa fille, qui raconte la vie de Paul, vie profondément marquée par un congrès de mathématiciens, à Paris, en 1900. Ce grand scientifique vient d’un milieu modeste et se passionne pour l’algèbre et le communisme. C’est pour cela qu’il s’oppose au national-socialisme qui progresse dès 1920.

 

 

Hélas, sa lutte lui vaudra d’être déporté à Buchenwald. Pour se documenter, Mathias Enard a rencontré Jorge Semprun qui a connu ce camp et la résistance communiste dans ces lieux prévus pour l’extermination de masse.

 

 

L’auteur ne prétend pas se substituer à l’Histoire mais veut tisser des liens et ce soldat qui vient de laisser la guerre, la transporte avec lui en fuyant vers le nord. Il a déserté mais Mathias Enard n’indique pas d’époque. Il nous fait seulement partager sa volonté de survivre après la violence donnée et subie.

 

Au final, son roman constate que le paradis capitaliste qu’on nous promettait, n’existe pas, le Grand Soir non plus. Paul et le soldat se sont simplement battus pour le genre humain. L’auteur ajoute aussi Maya, le grand amour de Paul. Elle le suivra en RDA mais n’y restera pas. De son côté, clin d’œil à la nature, le déserteur rencontrera un âne… mais il faudra lire « Déserter » pour découvrir toutes les subtilités du dernier roman de Mathias Enard.

 

Caryl Férey « Okavango » (Gallimard/série noire)

Voilà un grand moment que nous attendons impatiemment depuis le début de ces Correspondances 2023 : retrouver Caryl Férey, un auteur qui nous régale dans chacun de ses livres !

 

 

Présenté par Régis Penalva, l’auteur de Zulu, Condor, Mapuche, Norilsk, Lëd et Paz, ses livres que nous avons lus et qui nous ont régalés, emballe tout de suite le très nombreux public de ce dimanche après-midi, place de l’Hôtel de Ville.

 

Dès que Caryl Férey avoue qu’il veut plaire et instruire, nous ne pouvons que confirmer : son objectif est réussi. Avec « Okavango », il nous apprend que ce titre est le nom d’un fleuve africain, le seul qui ne termine pas sa course dans une mer ou un océan mais s’arrête de couler dans un delta qui finit dans le désert du Kalahari, au Bostwana.

 

Pour écrire, il se documente mais va aussi sur place constater que les braconniers font beaucoup de mal même si, au Bostwana, la loi permet de tirer sur eux… Lors de la saison sèche, les herbivores gagnent le delta de l’Okavango, les carnivores suivent et les braconniers aussi, hélas. Ainsi, le quatrième trafic illégal au monde se poursuit avec des animaux vivants ou morts.

 

C’est désespérant, sans fin, symbolique de notre planète comme l’utilisation du glyphosate dont tous les effets extrêmement nocifs sont connus mais dont on prolonge l’utilisation.

 

 

Caryl Férey parle aussi de ses personnages : John Latham, Solanah, le Scorpion, M. Zeng, le commanditaire. Il trouve même le moyen de faire rire avec quelques anecdotes vécues là-bas mais n’hésitez pas à vous plonger dans « Okavango » pour apprécier toutes les aventures de ce nouveau roman qui est même agrémenté de deux histoires d’amour…

 

Fabrice Caro « Journal d’un scénario » (Gallimard/Sygne)

et Laurent Rivelaygue « Il faut toujours envisager la débâcle » (Calmann-Lévy).

 

 

Suite au forfait de Maria Pourchet, voilà deux auteurs que nous n’aurions pas normalement dû rencontrer.

 

 

Fabrice Caro est bien connu dans le monde de la BD sous le nom de Fabcaro mais il est aussi romancier et nous avons déjà pu l’apprécier en lisant Le discours, Samouraï et Broadway. Pour cette rentrée littéraire, il publie « Journal d’un scénario » et nous retrouvons Régis Penalva pour animer la discussion avec Laurent Rivelaygue, auteur que nous ne connaissions pas.

 

L’apprenti scénariste de Fabrice Caro vise haut. La rencontre avec Aurélie qui donne des cours de scénario est, pour lui, un coup de foudre affectif et artistique. Pour son film, il veut tout simplement Louis Garel et Mélanie Thierry comme acteurs principaux. Alors qu’il voulait tourner un film en noir et blanc pour faire plus épuré, plus classe, il doit céder à la pression des producteurs et choisir la couleur.

 

« Journal d’un scénario » est un livre sur le déni avec un homme qui s’enfonce de plus en plus, refuse d’abord catégoriquement puis démissionne, abandonne ses beaux principes parce que c’est utile pour le film. Ainsi, Fabrice Caro montre qu’il n’aime pas les chapelles et son livre est une satire du monde de l’art en général, du cinéma et de la littérature en particulier.

 

 

Toujours sur le thème des mécaniques infernales qui mettent un terme aux illusions, Laurent Rivelaygue nous entraîne avec humour sur les pas d’un autre homme obstiné.

 

Après un licenciement, celui-ci veut écrire un roman mais se trouve dans l’incapacité de rédiger. À la fois débâcle du couple et du métier, « Il faut toujours envisager la débâcle » est un roman très actuel caril part d’un fait divers, ajoute des éléments autobiographiques pour suivre cet homme qui  n’avait pas hésité pas à devenir pigiste pour le foot sans rien connaître de ce sport collectif. Comme il en rajoutait, écrivait de jolies phrases, il a été licencié.

 

 

Tous les signes pouvant alerter notre anti-héros n’ont aucun écho. Mieux que ça, il est sans filtre, répond ce qui lui passe par la tête et s’étonne ensuite de la débâcle qui suit… Malgré tout, comme le répète Laurent Rivelaygue, le pire n’est jamais certain et il faut toujours garder espoir, espoir encore plus nécessaire aujourd’hui.

 

 

 

Ainsi, sur cette note d’espoir et ces quelques pointes d’humour, s’achèvent nos huitièmes Correspondances de Manosque. Ces rencontres précieuses, en plein air, dans le centre historique de la ville de Jean Giono, au cœur de la littérature, avec une équipe d’organisation admirable, des bénévoles toujours au travail et prêts à rendre service, sont pour nous des moments très forts. Aussi, nous n’avons qu’un espoir : revenir l’année prochaine !

 

Ghislaine et Jean-Paul

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Thème Magazine -  Hébergé par Overblog