David Lopez : Fief

Fief       par    David Lopez.

Seuil (2017), 251 pages ; Points (2019) 240 pages.

Prix du Livre INTER 2018.

 

 

Le Livre INTER récompense chaque année un excellent roman ou plutôt met en valeur un livre passé peut-être inaperçu, pas forcément dans les derniers parus, comme Fief, le premier roman de David Lopez, mis à l’honneur cette année, ouvrage sortant vraiment de l’ordinaire.

 

 

J’ai été très surpris dès les premières pages, par ce chapitre intitulé Pablo, un jeu de cartes, où j’ai fait connaissance avec Jonas, le narrateur, et ses amis : Ixe, Poto, Sucré plus d’autres qui débarquent comme Miskine ou Lahuiss. Bien sûr, j’ai été surpris par ces noms, ces surnoms, mais je m’y suis habitué. Ce qui m’a le plus désorienté, c’est le style d’un auteur qui a du talent pour reproduire la façon de parler, les tics de langage de beaucoup de jeunes, aujourd’hui.

 

 

Ensuite, j’ai dû supporter sans cesse le joint, le shit, le tabac, le tchek sur l’épaule, l’accolade sur l’omoplate et « Bien ou quoi… » De plus, le verlan, ça va un peu mais ça devient vite pénible comme ce jeu de cartes inintéressant.

 

 

Mal parti, je me suis quand même accroché et je ne l’ai pas regretté car David Lopez livre ensuite de bons moments même si ses démons le reprennent de temps à autre, suivant les temps de vie de Jonas.

 

 

Parmi les meilleurs chapitres, il y a la boxe car Jonas qui n’a pas d’emploi, ne fait pas d’études, pratique la boxe dans le club de cette petite ville où se déroule l’action. Au passage, je trouve très bien ce choix qui évite Paris ou d’autres grandes villes ou encore quelques banlieues célèbres.

 

 

Quand Lahuiss entre en jeu, le niveau monte car il est « assez caillera pour ne pas se renier, assez distingué pour ne pas s’enfoncer. » La scène de la dictée, après une âpre discussion sur les fautes d’orthographe, est un autre moment fort du livre, une scène extraordinaire : « Poto insulte la mère de son stylo, Untel rallume son spliff. Habib regarde sa feuille vite fait il ne voit pas que je l’ai grillé. » Évidemment, ça dégénère mais on arrive à savoir, grâce à Jonas, que l’auteur du texte s’appelle Céline – « c’est qui celle-là… » - et que c’est un extrait de Voyage au bout de la nuit.

 

 

Jonas est un personnage attachant. Il n’hésite pas à aller superviser son père qui joue au foot dans une équipe de vétérans. Il nous gratifie de magnifiques scènes d’amour avec Wanda, fille très égoïste : « Elle m’a trouvé moi. Assez éduqué pour échanger trois mots. Assez joli pour être désirable. Trop marqué cependant pour devenir intime. Trop sauvage pour être apprivoisé à long terme. Trop peu désireux de vivre. » Tout Jonas est là comme lorsqu’il détaille ses souvenirs d’enfance.

 

 

David Lopez (photo ci-dessus) manipule habilement le langage qu’il a choisi de traduire par écrit, sait parler de sport mais ne laisse que peu d’espoir dans cette vie sans véritable ouverture, avec une soirée à hauts risques de temps à autre et l’alcool, les trafics, les drogues dites douces et cette dépendance tellement aliénante.

 

Jean-Paul

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