Gaspard Kœnig : Humus

Humus    par   Gaspard Kœnig.

Éditions de L’Observatoire (2023) 379 pages.

 

Rentrée littéraire 2023.

 

 

Pas banal et plutôt audacieux de choisir les vers de terre, ces animaux mal-aimés, comme héros de roman. C’est le défi que s’est lancé Gaspard Kœnig dans son dernier roman Humus.

 

 

Deux étudiants d’AgroParisTech, un peu désabusés et que tout semble opposer, se lient d’amitié après avoir assisté à une conférence intitulée Avancées et défis de la géodrilologie, la géodrilologie étant la science des vers de terre.

 

 

Angoissés comme toute leur génération par la crise écologique, ils se cherchent un destin et découvrent lors de cet exposé un domaine de recherche quasi vierge. En effet, si l’humanité s’est ruée pour comprendre l’infiniment grand des cieux, elle ne s’est guère penchée sur l’infiniment petit des sols.

 

Se forge vite entre eux une complicité d’explorateurs. Ils se jurent solennellement de ne jamais abandonner les vers de terre et de leur consacrer, d’une manière ou d’une autre, leur carrière et leur vie.

 

 

 

Kevin, fils de simples travailleurs agricoles installés dans le Limousin, dont l’intention première est de lancer sa petite entreprise de vermicompostage pour particuliers, essuie refus sur refus des banques. Il rencontre Philippine, une jeune femme aux ambitions démesurées, mais pas de son milieu, qui le propulse dans le monde de la finance et du capitalisme et le fait passer à l’échelle industrielle. Associés, ils créent en un temps record leur entreprise Veritas. Son but étant de construire des usines partout pour y installer des milliards de milliards de vers de terre qui digéreront les poubelles, produiront du terreau et sauveront ainsi la terre de l’humanité.

 

 

Arthur, enfant de la bourgeoisie parisienne, lui, reprend la propriété familiale au fin fond de la Normandie avec sa compagne Anne, pour régénérer les terres ruinées par les pesticides, en y réintroduisant des vers de terre.

 

Le chemin sera parsemé d’embûches pour ces deux idéalistes, tous deux transfuges de classe.

 

 

Dans Humus, Gaspard Kœnig explore les vices et les vertus d’une génération qui veut changer le monde et dans ce cas-ci sauver l’humus. « Les Romains le savaient bien : Homo vient d’humus. Homo vit d’humus. Puis Homo a détruit humus. Et sans humus, pas d’Homo. Simple. »

 

 

 

Arthur, le néo-rural, dont le héros est Henry David Thoreau, malgré toute sa bonne volonté va devoir constater les effets néfastes et apparemment irrémédiables des pesticides et va se trouver, de plus, face aux absurdités de l’administration.

 

 

Kevin va se trouver lui, confronté à toutes les combines du capitalisme et au cynisme des greenwashers, ces éco-blanchisseurs qui utilisent l’argument écologique de manière trompeuse pour améliorer leur image et s’enrichir.

 

 

Gaspard Kœnig nous offre d’ailleurs des passages savoureux avec tout ce langage anglo-saxon inspiré de la Tech et quasi incompréhensible pour qui n’est pas de ce milieu.

 

 

 

Humus est un roman particulièrement dense sur la crise écologique dans lequel l’auteur n’oppose pas les ruraux et les urbains et ne prend pas parti pour l‘un ou l’autre des agronomes.

 

 

Tout en rappelant le rôle fondamental des vers de terre, indispensables à la vie des sols, et pourtant souvent méprisés, Gaspard Kœnig nous livre une satire de nos mœurs tant écologiques que financières absolument décapante. 

 

 

Les rebondissements multiples rendent la lecture très addictive.

 

 

Une fin presque apocalyptique m’a un peu surprise, mais n’était-ce pas le chemin logique et cette violence n’était-elle pas prévisible ? En effet, quand les mouvements pacifistes et la désobéissance civile ne sont pas entendus, existe-t-il une autre alternative ?

 

Cette insurrection permet dans le roman à nos deux amis de se réconcilier, pour notre plus grand plaisir. L’amitié, la fraternité et la solidarité restent des valeurs sûres…

 

Ghislaine

 

 

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T
Oui, la satire... J'ai particulièrement été frappé par ce côté ironique, avec entre un et cinq "coups de griffe" par page... (un peu tous azimuts). <br /> Je l'avais emprunté au système d prêt de livres d e l'AMAP dont je fais partie<br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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D
il était très convaincant à Manosque !
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