Rachel Arditi : J'ai tout dans ma tête

J’ai tout dans ma tête   par  Rachel Arditi.

Flammarion (2023) 248 pages.

 

 

 

 

Rachel Arditi est comédienne et, depuis peu, écrivaine. Avec J’ai tout dans ma tête, une phrase prononcée par son père, à 96 ans, quelque temps avant sa mort, elle écrit un premier roman très original.

 

 

 

 

Bâti autour de l’œuvre en vers de Pouchkine, Eugène Onéguine, dans la traduction d’André Markowicz, ce livre plonge au cœur des relations entre une fille et son père, Georges Arditi, un nom de famille très connu dans le monde artistique.

 

 

 

 

Celui qui nomme sa fille « ma biche » ou encore « ma minouche », est un peintre hélas peu connu. Il se trouve en maison de retraite, à la « Maison des Artistes » de Nogent (photo ci-dessous). Malgré la maladie d’Alzheimer qui progresse, il garde énergie et grain de folie, ce qui lui permet d’espérer vendre ses tableaux à des Japonais afin d’engranger beaucoup d’argent.

 

 

Sa fille a 35 ans. Elle est liée par une profonde amitié à Victoire qui évolue aussi dans le théâtre, plutôt dans la mise en scène. C’est elle qui lance le projet d’une adaptation d’Eugène Onéguine, adaptation qu’elles doivent mener ensemble.

 

 

Au travers de cette expérience assez chaotique, Rachel Arditi me plonge dans le monde artistique parisien, un monde où il est très difficile de faire sa place.

 

 

 

Entre visites à son père et rencontres de travail avec Victoire, elle livre tout son mal-être, ses souvenirs d’enfance, ses moments de bonheur comme ses périodes de doute quand elle se trouve insignifiante. À l’école, elle a même dû affronter l’incrédulité de la maîtresse du CP quand elle a dit que son père avait 68 ans.

 

 

Obnubilée par le personnage de Tatiana, l’autrice fait tourner en boucle dans son esprit « Moitatiana » car ce rôle ne peut être que pour elle alors que Victoire l’abandonne un temps pour mettre en scène une autre pièce.

 

 

Quand on veut réussir sa vie d’artiste dans ce monde très parisien, il faut beaucoup de force et de courage pour refuser un rail de coke et ne pas toucher au punch plein d’ecsta. Beaucoup de carrières se jouent dans ce microcosme bien appréhendé par l’autrice.

 

 

Les nombreuses citations d’Eugène Onéguine, une en tête de chacun des nombreux chapitres, permettent de maintenir l’attention sur cette pièce que la narratrice et Victoire ont décidé d’actualiser. En prime, Rachel Arditi (photo ci-dessus) offre le texte de son interview, imaginaire je pense, diffusée sur France Culture, dans sa grille d’été : « Les rencontres insolites de Richard Gaitet ». Jeu et enjeux de l’adaptation. C’est délicieux !

 

 

D’une écriture fluide, précise, crue parfois, Rachel Arditi n’écarte aucun problème et me touche beaucoup lorsqu’elle se livre à propos de la mort de l’être qui lui est le plus cher : son père.

 

 

Lorsque ce dernier ne retrouve plus le prénom de sa fille, celle-ci comprend que cet homme tellement précieux pour elle n’en a plus pour longtemps.

 

 

 

 

Vivant un peu les mêmes choses avec ma mère en ce moment, je suis profondément ému par les mots très justes trouvés par Rachel Arditi. Même si son père a parlé jusqu’au dernier jour, sa déconnexion complète avec la réalité est difficile à vivre et j’admire la manière très élégante, à la limite du fantastique, avec laquelle elle conclut son livre.

 

 

 

 

 

Je remercie bien sincèrement Lecteurs.com et les éditions Flammarion pour cette découverte, ce roman à la fois original et profondément humain, un livre superbement illustré par un bandeau affichant son portrait peint par son père alors qu’elle avait 6 ou 7 ans. Là, elle confie qu’elle a l’air ailleurs mais, si ça peut la rassurer, depuis, elle a bien repris place parmi nous comme le prouve J’ai tout dans ma tête.

 

Jean-Paul

 

 

 

 

 

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M
Je l'ai lu avec grand plaisir et j'ai également été très touchée par ses propos, son style simple et fluide et la manière dont elle parle de sa relation particulière avec son père, âgé mais non moins aimé et aimant.
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J
Nous sommes d'accord.
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